par Seyfeddine Ben Mansour
Entre 340.000 et 800.000 personnes ont défilé à Paris le 13 janvier dernier contre le projet gouvernemental de «mariage pour tous». Parmi les manifestants, des militants et des élus de l'UMP, mais surtout une majorité de catholiques pour lesquels ce projet constitue, entre autres, une atteinte au sacrement du mariage. Si les musulmans de France sont également, dans leur grande majorité, opposés au projet, ce n’est pas en vertu d’une dimension formelle, sacramentelle du mariage, qui n’existe pas en islam, mais en vertu des dimensions à la fois sociale et individuelle que Dieu lui a assignées. Le nikâh (mariage), s’il doit assurer la stabilité de la structure sociale, de la société, dont il est la plus petite cellule, mais aussi son harmonie, doit également, par ailleurs, permettre à l’individu de s’épanouir en tant que tel et de réaliser ainsi son humanité dans la différence. De là, un certain nombre de conséquences qui distinguent très nettement l’islam du christianisme, notamment catholique : la dénonciation de la chasteté et du célibat, la possibilité du divorce et la valorisation du plaisir ici-bas comme dans l’Au-delà. «Mariez les célibataires [vivant] parmi vous !» enjoint le Coran (XXIV, 32), et ce, quel que soit leur âge et leur statut : un fils pieux veillera ainsi à ce que son père veuf puisse se remarier. Ce devoir n’est pas moins important que celui qui incombe aux enfants devenus adultes de prendre en charge leurs parents. Car l’amour profond, sincère et le désir sexuel qui l’accompagne sont appréhendés par l’islam comme constitutifs de la vie ici-bas. La réciprocité qu’ils impliquent contribue à renforcer le tissu social, somme des foyers aimants, réalisant, à un autre niveau, l’harmonie cosmique : «Quand un homme regarde son épouse, disait le Prophète, et qu’elle le regarde, Dieu pose sur eux un regard de miséricorde. Quand l’époux prend la main de l’épouse et qu’elle lui prend la main, leurs péchés s’en vont par l’interstice de leurs doigts. Quand il cohabite avec elle, les anges les entourent de la terre au zénith. La volupté et le désir ont la beauté des montagnes», cite ainsi le juriste Qanawi dans son Commentaire d’Ibn al-Wardi.
Aimer l’autre pour se découvrir soi
Ce plaisir est également un devoir : «la dévotion [comme, par exemple,
la pratique de prières surérogatoires] n’exonère point des droits de la
chair», prévient un adage courant chez les juristes. Il est à plus forte
raison interdit de se faire châtrer ou de châtrer quiconque. Nombre de
juristes parmi les plus illustres (Boukhari et Muslim, notamment) y
voient un attentat aussi grave que celui contre la vie même. Si l’islam
prend acte de l’inconstance des sentiments et des désirs humains en
autorisant le divorce, un hadith célèbre rappelle néanmoins que c’est là
«la chose licite la plus haïssable pour Dieu». Car l’homme seul, comme
la femme seule, est un être impuissant. Seule leur rencontre dans le
cadre canonique du mariage est créatrice, car fondée sur la
complémentarité des sexes. Le mariage est récupération de l’altérité, et
partant, complétude et découverte de soi à travers autrui. Une
découverte d’où la dimension spirituelle n’est pas absente : «Il m’a été
donné d’aimer trois choses en ce bas monde : les parfums, les femmes et
la prière, prunelle de mes yeux», dit un hadith. Préméditée par la
Providence divine, la rencontre de deux êtres permet la grossesse et la
naissance à la vie. C’est là une prérogative divine qui permet à l’homme
de dépasser la nature et d’assumer une mission que l’islam apprend à
réaliser sans culpabilité, et dans la joie de la création. Ce n’est pas
autrement qu’il faut comprendre ce célèbre hadith du Prophète : «Se
marier, c’est accomplir la moitié de sa religion.»
Article publié sur Zaman France (17 janvier 2013).
Mots clés : mariage pour tous, Islam, mariage, nikah, Coran, mariage en islam, qanawi, boukhari, Islam des mondes.
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