par Seyfeddine Ben Mansour
Sous la direction de Gerhard Endress et Dimitri Gutas, les éditions Brill viennent de publier A Greek and Arabic Lexicon. Materials for a Dictionary of the Mediaeval Translations from Greek into Arabic.
Il s’agit de la première compilation systématique, sous forme de
dictionnaire raisonné, du vocabulaire scientifique arabe d’origine
grecque.
La compilation et la recherche scientifique
A peine un siècle après sa constitution, l’empire
arabo-musulman se lance en effet dans une formidable entreprise de
compilation du savoir connu. Soit, également, un siècle à peine après la
constitution, autour du texte coranique, d’un corps de sciences
religieuses – grammaire, exégèse, science du hadith, jurisprudence,
théologie. Du VIIIe au Xe
siècle, l’activité de traduction est reine dans les grands centres
urbains tels que Damas ou Bagdad. Les musulmans, – à la tête d’un empire
qui, des Pyrénées à la vallée de l’Indus, couvre désormais l’ancien
monde –, développent les sciences profanes : mathématiques, astronomie,
médecine, philosophie. La traduction constituera à cet égard une
première étape. Successeurs des anciennes civilisations dont ils ont
repris le flambeau, ils commenceront en effet par assimiler le savoir
connu – grec, perse et indien, notamment – en l’arabisant, avant de
passer à l’étape suivante, celle de la recherche scientifique, à
l’origine d’un développement authentiquement musulman des sciences et
des techniques. Ce mouvement suppose des institutions à même de rendre
possible sa mise en œuvre.
La «Maison de la Sagesse» fondée en 828
La plus emblématique, la plus importante, est sans
conteste Bayt al-Hikma, littéralement, la «Maison de la Sagesse»,
fondée par le calife abbasside al-Ma’moun en 828. Ce centre de
traduction et de recherches, institution publique au sein de laquelle
allaient officier les plus grands savants et traducteurs – dont al-khawarizmi , le père de l’algèbre –, était à l’origine la bibliothèque privée du calife Haroun ar-Rachid (786-809), et portait le nom de Khizânat al-Hikma
(Fonds de la Sagesse). Cette bibliothèque califale remonte plus haut
dans le temps encore, puisque son fonds a commencé à être constitué à
Damas, par le fondateur de la dynastie précédente, celle des Omeyyades,
Mou‘awiya (661-685), et ce, du temps où il était encore simple
gouverneur de Syrie. L’institution de Bayt al-Hikma va néanmoins
permettre de rationnaliser l’activité de traduction scientifique,
jusque-là entreprise de façon diffuse au sein de l’empire. L’organisme
public va ainsi en devenir le lieu d’élaboration privilégié.
La diffusion matérielle du savoir
Les traducteurs, souvent chrétiens, comme le
fameux Hunayn Ibn Ishaq (808-863), puisent tant dans les collections de
l’institution, que dans les ressources des bibliothèques en tous genres
présentes sur le vaste territoire de l’empire, – dont sans doute le
fonds, disséminé, de la fameuse bibliothèque d’Alexandrie (fondée 9
siècles plus tôt). Ce à quoi, sans doute, il faut ajouter les manuscrits
apportés par les différentes missions envoyées à Constantinople afin
d’y acquérir des textes en langue originale. Aux côtés des traducteurs,
cœur de l’institution, officiaient également des astronomes, au sein des
observatoires de Bagdad et de Damas, tandis que tout un corps de petits
métiers du livre s’affairait à diffuser matériellement le savoir :
copieurs, relieurs, doreurs, enlumineurs, etc., à une époque où le papier , l’un des fleurons de l’industrie musulmane médiévale, tendait à devenir un véritable média de masse. Très vite, du reste, le secteur privé tend à prendre le pas sur Bayt al-Hikma, et avant la fin du IXe
siècle, les commanditaires privés se multiplient dans les grands
centres urbains, et notamment à Bagdad. Les traducteurs, devenus plus
nombreux, se transforment en savants indépendants, travaillant pour le
compte de mécènes.
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