par Seyfeddine Ben Mansour
Le
17 août dernier s’est tenue la Journée mondiale d’al-Quds. Organisée le
dernier vendredi de ramadan, elle est célébrée chaque année dans divers
pays arabes et musulmans, en solidarité avec le peuple palestinien. Al-Quds,
littéralement «la Sainte», est le nom arabe aujourd’hui le plus
couramment usité pour désigner en islam, ou chez les Arabes chrétiens,
la ville de Jérusalem. Il s’agit de l’arabisation, vers la fin du Xe
siècle, de Qudsha, une dénomination araméenne tirée de la Thora : qarta de qudsha,
«ville du sanctuaire» (Isaïe : XLVIII, 2). Les écrits arabes des
savants juifs karaïtes de la ville au Xe siècle montrent que le nom
al-Quds a d’abord désigné le Temple et ses abords, avant de s’appliquer à
la ville entière, remplaçant ainsi Bayt al-Maqdis. Cette dernière expression, quoique plus ancienne, a suivi la même évolution : arabisation de l’araméen Beth Maqdeshâ,
«Temple», elle a fini par désigner la ville entière. Ces quelques faits
montrent d’emblée que, d’une part, pour les trois religions du Livre la
ville de Jérusalem est conçue en tant qu’elle abrite des lieux sacrés
et, d’autre part, que l’héritage judéo-chrétien du Coran, comme
l’arabisation des juifs et des chrétiens de la ville, n’a fait que
souligner sur le plan formel la profonde unité de ce statut de
ville-sanctuaire. Dans son Ithâf al-akhissâ’, le théologien
as-Suyûtî (XVe siècle) mentionne une tradition dans laquelle le juif
converti Ka‘b al-Ahbâr exhorte le calife Omar à faire sa prière au nord
du Rocher sacré : «ainsi, tu auras tout al-Quds devant toi, c’est-à-dire
le Temple sacré». Il entendait par là le Saint-Sépulcre, l’église qui
abrite le tombeau du Christ, dans la cour duquel le calife priera
effectivement en février 638. Depuis 1193, l’expression désigne la
mosquée que fit élever al-Afdhal Nûr ad-Dîn ‘Alî, le fils de Saladin, à
l’endroit où le calife avait prié.
La première direction de prière des musulmans
Curieusement, parmi les quelques 17 dénominations différentes que cite
as-Suyûtî ne figurent pas les formes coraniques employées par les
exégètes pour désigner Jérusalem : al-Masjid al-aqsà, «le Temple lointain» (XVII, 1) ; Mubawwa sidq, «Demeure sûre» (X, 93), arabisation de l’hébreu Neve sedeq, «Oasis de justice» (Jérémie : XXXI, 22) ; al-Ardh al-muqaddasa,
«la Terre sainte» (V, 21), appellation conforme à l’usage tant juif que
chrétien, qui sera par la suite étendu à l’ensemble du pays. Sainte,
Jérusalem l’est en islam pour deux raisons essentielles. D’une part,
elle est liée à l’ascension du Prophète. Autour de l’an 620, sur une
monture appelée Buraq, le Prophète fit un «Voyage nocturne» de La Mecque
à Jérusalem. Arrivé au «Temple lointain» de Jérusalem, il accomplira
une prière, avant d’effectuer, en compagnie de l’ange Gabriel, une
«Ascension» aux cieux et une descente aux enfers. D’autre part, jusqu’à
la prise de la Mecque, et la restitution de la Ka‘ba à sa vocation
monothéiste originelle, c’est vers Jérusalem que les musulmans se sont
tournés pour prier. Troisième ville sainte après La Mecque et Médine,
les hommes s’y verront réunis au jour du Jugement Dernier. Pour les
chrétiens, elle est essentiellement liée à la figure du Christ : sa
montée au Temple, sa crucifixion et sa résurrection. La ville qui abrite
le Saint-Sépulcre est ainsi avec Rome, Antioche, Alexandrie et
Constantinople l’un des cinq patriarcats historiques. Pour les juifs
enfin, Jérusalem est la capitale de l’Etat fondé par le roi David, la
ville où son fils Salomon érigera le fameux Temple abritant le Saint des
Saints : la pièce contenant l’Arche de l’Alliance, le coffre dans
lequel étaient gardées les tables de la Loi (les Dix Commandements)
données à Moïse sur le mont Sinaï.
Mots clés : Yerushalayim, al-quads, ville sainte, Jérusalem, ville du sanctuaire, Islam des mondes.
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