lundi 14 juillet 2014

De Yerushalayim à al-Quds : une ville 3 fois sainte

par Seyfeddine Ben Mansour

Le 17 août dernier s’est tenue la Journée mondiale d’al-Quds. Organisée le dernier vendredi de ramadan, elle est célébrée chaque année dans divers pays arabes et musulmans, en solidarité avec le peuple palestinien. Al-Quds, littéralement «la Sainte», est le nom arabe aujourd’hui le plus couramment usité pour désigner en islam, ou chez les Arabes chrétiens, la ville de Jérusalem. Il s’agit de l’arabisation, vers la fin du Xe siècle, de Qudsha, une dénomination araméenne tirée de la Thora : qarta de qudsha, «ville du sanctuaire» (Isaïe : XLVIII, 2). Les écrits arabes des savants juifs karaïtes de la ville au Xe siècle montrent que le nom al-Quds a d’abord désigné le Temple et ses abords, avant de s’appliquer à la ville entière, remplaçant ainsi Bayt al-Maqdis. Cette dernière expression, quoique plus ancienne, a suivi la même évolution : arabisation de l’araméen Beth Maqdeshâ, «Temple», elle a fini par désigner la ville entière. Ces quelques faits montrent d’emblée que, d’une part, pour les trois religions du Livre la ville de Jérusalem est conçue en tant qu’elle abrite des lieux sacrés et, d’autre part, que l’héritage judéo-chrétien du Coran, comme l’arabisation des juifs et des chrétiens de la ville, n’a fait que souligner sur le plan formel la profonde unité de ce statut de ville-sanctuaire. Dans son Ithâf al-akhissâ’, le théologien as-Suyûtî (XVe siècle) mentionne une tradition dans laquelle le juif converti Ka‘b al-Ahbâr exhorte le calife Omar à faire sa prière au nord du Rocher sacré : «ainsi, tu auras tout al-Quds devant toi, c’est-à-dire le Temple sacré». Il entendait par là le Saint-Sépulcre, l’église qui abrite le tombeau du Christ, dans la cour duquel le calife priera effectivement en février 638. Depuis 1193, l’expression désigne la mosquée que fit élever al-Afdhal Nûr ad-Dîn ‘Alî, le fils de Saladin, à l’endroit où le calife avait prié. 
 
La première direction de prière des musulmans
 
Curieusement, parmi les quelques 17 dénominations différentes que cite as-Suyûtî ne figurent pas les formes coraniques employées par les exégètes pour désigner Jérusalem : al-Masjid al-aqsà, «le Temple lointain» (XVII, 1) ; Mubawwa sidq, «Demeure sûre» (X, 93), arabisation de l’hébreu Neve sedeq, «Oasis de justice» (Jérémie : XXXI, 22) ; al-Ardh al-muqaddasa, «la Terre sainte» (V, 21), appellation conforme à l’usage tant juif que chrétien, qui sera par la suite étendu à l’ensemble du pays. Sainte, Jérusalem l’est en islam pour deux raisons essentielles. D’une part, elle est liée à l’ascension du Prophète. Autour de l’an 620, sur une monture appelée Buraq, le Prophète fit un «Voyage nocturne» de La Mecque à Jérusalem. Arrivé au «Temple lointain» de Jérusalem, il accomplira une prière, avant d’effectuer, en compagnie de l’ange Gabriel, une «Ascension» aux cieux et une descente aux enfers. D’autre part, jusqu’à la prise de la Mecque, et la restitution de la Ka‘ba à sa vocation monothéiste originelle, c’est vers Jérusalem que les musulmans se sont tournés pour prier. Troisième ville sainte après La Mecque et Médine, les hommes s’y verront réunis au jour du Jugement Dernier. Pour les chrétiens, elle est essentiellement liée à la figure du Christ : sa montée au Temple, sa crucifixion et sa résurrection. La ville qui abrite le Saint-Sépulcre est ainsi avec Rome, Antioche, Alexandrie et Constantinople l’un des cinq patriarcats historiques. Pour les juifs enfin, Jérusalem est la capitale de l’Etat fondé par le roi David, la ville où son fils Salomon érigera le fameux Temple abritant le Saint des Saints : la pièce contenant l’Arche de l’Alliance, le coffre dans lequel étaient gardées les tables de la Loi (les Dix Commandements) données à Moïse sur le mont Sinaï.

Article publié sur Zaman France (24 août 2012).

Mots clés : Yerushalayim, al-quads, ville sainte, Jérusalem, ville du sanctuaire, Islam des mondes.

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