lundi 21 juillet 2014

Le Crac des Chevaliers, une forteresse stratégique

par Seyfeddine Ben Mansour

Le 20 mars dernier, l’armée syrienne aidée du Hezbollah reprenait aux insurgés le Crac des Chevaliers, un château fort franc érigé en terre arabe au XIIe siècle.
Bien qu’endommagé par les combats, il semble que ce chef d’œuvre de l’architecture militaire médiévale ait retrouvé quelque peu de son importance stratégique passée. Hisn al-Akrad, connu en Occident sous le nom de Crac des Chevaliers, constituait en effet une des pièces maîtresses du réseau de fortifications établi par les armées d’occupation croisées.
 
La «Forteresse des Kurdes»

Véritable nid d’aigle juché à 750 mètres d’altitude, le château domine la trouée de Homs, d’où il surmonte l’ensemble de la plaine d'El-Boukeia.
Position stratégique occupée depuis la plus haute Antiquité, elle correspond au XIe siècle au Hisn al-Safh. Il s’agit d’une tour de guet protégée par des remparts érigée par Shibl ad-Dawla Nasr, prince chiite d’Alep qui y fait installer une garnison de soldats kurdes.
C’est de cette époque que date l’appellation arabe Hisn al-Akrâd, «Forteresse des Kurdes», qui passera en latin sous la forme cratum, puis finalement crac dans l’usage franc, pour aboutir à la dénomination aujourd’hui usuelle de Crac des Chevaliers.
Entretemps, la région avait connu l’agression des Croisades, et en lieu et place de la tour musulmane, dont il ne subsiste aujourd’hui aucun vestige, les Francs auront édifié un château fort dont l’architecture doit beaucoup au génie militaire arabo-byzantin (structure des tours, burj, mâchicoulis, marmâ, citernes, birka, etc.).
 
La forteresse imprenable pendant 129 ans

Tout commence au lendemain de la prise de Jérusalem par les Croisés, le 15 juillet 1099.
Conscient qu’il ne pouvait conserver les Lieux Saints qu’en élargissant le cercle du territoire conquis, Godefroy de Bouillon s’empresse de garnir de forteresses les frontières, ainsi que les principaux défilés à l'intérieur du pays. Protégé au Nord par le comté de Tripoli, au Sud par le désert, le royaume latin de Jérusalem était en revanche ouvert à l'Ouest, sur la mer, aux flottes ennemies venues d'Egypte, et à l'Est, aux armées musulmanes parties de Damas ou des bords de la mer Rouge.
En juin 1110, Tancrède d’Antioche prend Hisn al-Akrad alors sous le commandement du général kurde Karadja, et y fait installer une garnison franque.
En 1115, Alp Arslan, troisième sultan de la dynastie turque seldjoukide, met le siège à la forteresse, en vain. Ce sera la première d’une longue série de tentatives musulmanes, toutes vouées à l’échec. La forteresse demeurera en effet imprenable durant plus de cent vingt-neuf ans.

L’échec de la septième Croisade

C’est l’échec de la septième Croisade qui commencera à sonner le glas du Crac des Hospitaliers, autre nom de la forteresse, aux mains de l’ordre militaro-religieux des Hospitaliers de 1142 à 1271. La déroute des Croisés à al-Mansoura en Egypte en 1249 et le départ de Saint Louis ont entraîné le tarissement des renforts, tandis que les armées musulmanes ne cessaient de progresser dans la région.
En 1252, une armée de soldats turkmènes venue de Shayzar au Nord-Ouest de la Syrie envahit la plaine d’El-Boukeia. En 1260, ce sont les Mongols qui sont défaits à Ayn Jalout par un brillant général turc, le sultan mamelouk Baybars Ier. Dotée de puissants engins de guerre, l’armée mamelouke détruit méthodiquement la première puis la seconde barbacane (bashûra) et pénètre dans la cour centrale du château.
Aux chevaliers envahisseurs, Baybars Ier, remettra, magnanime, un sauf-conduit qui leur permettra de regagner Tripoli, tandis que la chapelle romane qu’abritait le château est convertie en mosquée.

Article publié sur Zaman France (31 mars 2014).

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