jeudi 17 juillet 2014

Les Omeyyades : d'ennemis du Prophète à califes puissants

par Seyfeddine Ben Mansour

Jeudi 14 novembre, trois personnes ont été tuées et 22 blessées près de la célèbre mosquée des Omeyyades, dans le cœur historique de Damas. Il semble qu’en Syrie, chaque jour qui passe accuse le contraste avec la grandeur passée de ce pays naguère centre du monde.
 
Une légitimité assez contestable à l’origine

C’est en effet sous la dynastie des Omeyyades (661-750) que Damas est devenue la capitale de l’empire arabo-islamique. Un vaste empire qui s’étendait de Narbonne, dans ce qui n’était pas encore la France, à la vallée de l’Indus, dans le sous-continent indien. Un empire dont la grande majorité des sujets n’était pas musulmane. Un Etat doté d’une administration centralisée moderne, dont les fonctionnaires étaiet souvent des Gens du Livre, et où le grec, le copte et le persan étaient des langues administratives, au même titre que l’arabe. Un califat qui, pour la première fois, devient héréditaire. Un empire enfin, qui, grâce à la stabilité et la prospérité créées par la pax islamica, a vu la genèse d’un art proprement islamique dont témoigne aujourd’hui encore les magnifiques mosquées de Damas et d’al-Aqsa à Jérusalem. Pourtant, la dynastie qui se trouve à l’origine de cette formidable évolution est d’une légitimité assez contestable à l’origine.
Les Omeyyades appartiennent à la tribu Quraysh, tout comme le Prophète. Leur ancêtre commun est ʿAbd Manaf Ibn Qusayy, père de Hashim et de ʿAbd Shams. Le premier est à l’origine du clan auquel appartient Muhammad, les Banu Hashim. Le second, par son fils Umayya, est à l’origine du clan des Banu Umayya. Or ce sont les Banu Umayya qui, avec d'autres clans de la tribu Quraysh, chassèrent le Prophète de la Mecque en septembre 622. Leur opposition à l’islam ne faiblira pas durant les années qui suivront, jusqu’à la prise de la Mecque en 630. C’est un des leurs, Abu Sufyan Ibn Harb qui sera envoyé par les Mecquois pour parlementer avec les musulmans lors du siège de la ville. C’est à cette occasion qu'il se convertit à l’islam. L’ensemble du clan profitant du pardon du Prophète embrasse très vite la nouvelle religion, et oublie avec presque autant de célérité sa part de responsabilité dans l’Hégire, mettant en avant au contraire sa parenté avec Muhammad, ce cousin du clan des Banu Hashim.


Le califat héréditaire instauré en 661

Des quatorze califes que compte la dynastie omeyyade, trois, les trois premiers, descendent de cet Abu Sufyan, les onze autres descendant de Marwan Ibn al-Hakam Ibn Abi al-ʿAs. Leur règne fait suite à celui, puissamment légitime, des quatre premiers califes, les califes «biens guidés» (rashidun) qu’étaient Abu Bakr as-Siddiq, ‘Umar Ibn al-Khattab, ‘Uthman Ibn Affan et ‘Ali Ibn Abi Talib.
C’est contre ce dernier, pourtant cousin et gendre du Prophète, mais surtout Compagnon (Sahib) de la première heure, que le général Mu‘awiya s’impose et instaure en 661 le califat héréditaire. Comme son père, Abu Sufyan, Mu‘awiya s’était converti à l’islam en 630, lors de la prise de la Mecque. Mettant sa bravoure au service de sa nouvelle religion, il a multiplié les succès militaires, ce qui lui valut notamment d’être nommé gouverneur de Syrie par ‘Uthman Ibn ‘Affan… avant d’être relevé de ses fonctions par le calife suivant, Ali ibn Abi Talib. La guerre civile (Fitna) qui suivra donnera l’avantage politique à Mu‘awiya, et par là même aux Banu Umayya. Néanmoins, leur opposition première au Prophète n’était pas effacée dans tous les cœurs, et en 750, ils sont exterminés pratiquement jusqu’au dernier par des Banu Hashim, les Abbassides, qui leur arrachent le califat.

Article publié sur Zaman France (18 novembre 2013).

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