mardi 15 juillet 2014

Comment Constantinople est devenue Istanbul

par Seyfeddine Ben Mansour

De Constantinople à Istanbul
 
Il y a 560 ans, le 29 mai 1453, Constantinople tombait. Une date charnière dans l’histoire de la chrétienté, mais aussi une grande date dans l’histoire de l’Islam, et plus généralement dans celle de l’humanité : la chute de Constantinople, ‒ devenue Istanbul, capitale conquérante d’un nouvel empire sous la bannière de l’islam ‒, marque la fin du Moyen-Age et le début des Temps modernes. Au XVe siècle, l’Etat ottoman avait déjà commencé son expansion vers l’Europe. Sous Bajazet Ier (1360-1389), la Thrace, la Bulgarie, la Serbie et la Hongrie avaient été colonisées. Constantinople était donc, au XIVe siècle déjà, prise en tenaille, sans guère de recours face à la vitalité du jeune Etat ottoman. La vénérable cité, malgré son aura mystique, était faible : derrière le prestige du nom de Byzance, il y avait la réalité d’une ville vassale des Ottomans. Elle ne devra du reste son salut, ‒ en réalité, un court répit ‒, qu’à Tamerlan. L’invasion de l’Anatolie par les Mongols en 1399 mettra en effet un frein à l’avance ottomane.
 
Mehmed II, le conquérant
 
C’est au jeune Mehmed II, 21 ans, qu’il appartiendra de réaliser le rêve de ses ancêtres : conquérir Constantinople et effacer définitivement Byzance de la carte de l’Asie. Face à Anadolu Hisar, la forteresse posée sur la rive asiatique du Bosphore par son grand-père Bajazet Ier, le jeune sultan fit ériger Rumeli Hisar, son pendant sur la rive européenne. A Edirne, il mit en chantier une arme nouvelle, un canon de très grande puissance, tandis que 12.000 hommes et 350 navires étaient sur le pied de guerre, prêts à manœuvrer. Le cri de détresse lancé par l’empereur Constantin XI Paléologue à l’Europe catholique aboutira à l’envoi de 700 soldats ; une force dérisoire. Peu avant l’assaut, Mehmed II offrira au Basileus une capitulation honorable : le souverain aura la dignité de la refuser. Il mourra les armes à la main lorsque, le canon ayant fait une brèche dans la muraille, les soldats turcs s’engouffrèrent dans la ville. C’était un mardi. Sur son cheval blanc, Mehmed II, désormais paré du surnom de Fatih, «Conquérant», se dirige vers la basilique Sainte-Sophie, dans laquelle il entre sans mettre pied à terre, et décide sur le champ de la transformer en mosquée.
 
Grande tolérance pour les non-musulmans
 
Trois jours plus tard, le 1er juin, celle qui allait devenir Ayasofya, la mosquée-cathédrale symbole d’Istanbul, abritera sa première prière collective du vendredi. Mehmed II venait de réaliser la prédiction du Prophète : «Constantinople sera conquise. Béni soit le commandant qui la conquerra et bénies soient ses troupes !» (Ibn Hanbal, Musnad, IV : 335). Le sultan voudra ainsi faire de l’ancienne Constantinople une ville sainte de l’islam : il fait élever un mausolée et une mosquée à l’endroit où sont retrouvés les restes d’Abou Ayyoub al-Ansari, un compagnon du Prophète, mort en martyr lors d’une première attaque de la ville par les armées musulmanes au VIIe siècle. La date du 1er juin correspond également à la fin de la période légale de pillage (3 jours), pillage durant lequel les habitants auront été relativement épargnés. En vertu de leur statut nouveau, la protection de leur personne et de leurs biens devient une obligation. Si la ville s’islamise, les non-musulmans pratiquent librement leur religion et sont organisés en communautés, avec leurs lois et leurs tribunaux propres. Les patriarches arméniens, syriaques, grecs, ainsi que le grand rabbin de la ville sont nommés par Mehmed II. Grand conquérant et administrateur brillant, il accordera de grands privilèges aux chrétiens, notamment Génois, contribuant ainsi à la prospérité et au rayonnement de la ville.
 
Article publié sur Zaman France (30 mai 2013).
 
Mots clés : Byzance, Constantinople, Istanbul, mehmed II, Constantin, paleologue, 29 mai 1453, Bajazet Ier, Islam des mondes.

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