par Seyfeddine Ben Mansour
De l’Autriche à la Suède en passant par le Royaume-Uni, la liste des
pays touchés par la fraude à la viande de cheval étiquetée «viande
bovine» ne cesse de s’allonger. Au total, c’est plus de 14 sociétés,
dont la célèbre entreprise suédoise Findus, qui se trouvent aujourd’hui
impliquées. Les services français de répression des fraudes ont
récemment révélé que sur une période de six mois la société Spanghero
avait écoulé 750 tonnes, dont 550 ont servi à la fabrication de plus de
4,5 millions de plats frauduleux vendus dans 13 pays européens. En
condamnant d’emblée et principalement le mensonge, les différentes
religions et morales condamnent implicitement l’ensemble de ses cas
d’espèce, dont la fraude. L’islam la dénonce explicitement, et aussi
bien dans le Coran que dans la Sunna. Il y voit, en dernière analyse, un
grave facteur de corruption des relations sociales, de la société tout
entière. Le même mot, taghrîr, désignera ainsi aussi bien la
fraude dans le domaine commercial que dans le cadre d’un contrat de
mariage. «Malheur aux fraudeurs qui lorsqu’ils achètent aux autres
exigent pleine mesure, mais qui lorsque eux-mêmes mesurent ou pèsent
pour les autres faussent le poids et trichent dans la mesure !»,
prévient le Coran (Les fraudeurs/LXXXIII, 3). Outre la fraude à
la consommation, sont interdits l’intérêt usuraire, le monopole, les
taxes abusives, la thésaurisation, le surenchérissement, et bien
entendu, toutes les formes de vol (accaparement, spoliation,
escroquerie, corruption, etc.), tandis que sont obligatoires l’impôt
social (zakât), et plus généralement la solidarité. Ce souci de
l’intérêt commun dans un cadre capitaliste, où les richesses doivent
circuler (d’où l’interdiction de la thésaurisation), s’observe ainsi
dans une provision de la Medjelle ottomane rédigée entre 1869 et 1926,
le premier code civil moderne basé sur une des jurisprudences sunnites,
le hanéfisme.
Les 4 types de fraudes condamnés
Un vendeur qui propose un produit à un prix ostensiblement inférieur au
marché, tout en assurant à l’acheteur que sa marge bénéficiaire est
assurée, ne doit pas être considéré a priori comme fraudeur, et
le contrat ainsi établi est valide. Le vendeur est libre de proposer
son produit au prix qu’il souhaite, à condition, stipule l’article 356,
qu’il ne soit pas, ou qu’il ne représente pas, un orphelin, une
fondation religieuse (waqf), ou une institution publique. Sont
ainsi préservés tout à la fois la liberté d’entreprendre, dans son
acception quasi moderne de «libre échange», et l’intérêt commun, à
travers celui des éléments les plus vulnérables de la société, ou des
institutions d’intérêt public. C’est dans ce cadre que doit être compris
la proscription de la fraude en islam. D’où ce célèbre hadith du
Prophète : «Celui qui nous trompe n’est pas des nôtres.»
Traditionnellement, la jurisprudence distinguait quatre types de fraude :
mélanger un bon produit à un autre (comme couper le lait avec de l’eau)
; donner à un produit une apparence avantageuse de manière artificielle
(comme asperger d’eau des légumes pour faire croire qu’ils sont frais) ;
remplacer par une autre la partie extérieure d’un produit (comme
recouvrir d’or un lingot de fer) ; et dissimuler les défauts d’un
produit dont l’acheteur ne saurait avoir connaissance (vices cachés). Le
même concept juridique de taghrîr, «fraude» était opératoire
pour les contrats non commerciaux, mais de la régularité desquels
dépendait aussi la cohésion et la justice sociale, à savoir les contrats
de mariage. Si l’un des contractants estime qu’il a y a eu tromperie –
si, par exemple, la femme découvre que le mari avait une addiction au
jeu –, le contrat sera frappé de nullité, et le fraudeur, condamné à
verser une compensation financière.
Article publié sur Zaman France (25 février 2013).
Mots clés : Fraude, zakat, Islam, viande bovine, findus, alimentation hallal, Islam des mondes.
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