par Seyfeddine Ben Mansour
Dimanche 23 juin s’est clôturée la 50e
édition du Salon international de l’aéronautique et de l’espace de
Paris-Le Bourget. Premier rendez-vous au plan mondial de l’industrie
aéronautique, le Salon du Bourget a été fondé en 1909, afin de soutenir
et valoriser la jeune industrie aéronautique française. Si le rêve
d’Icare a attendu le XXe siècle
pour pleinement se réaliser, l’Europe musulmane a conduit des
recherches et des expérimentations majeures onze siècles plus tôt. C’est
à Cordoue, dans l’Espagne omeyyade du Moyen-Age, qu’un musulman
d’ascendance berbère, Abbas Ibn Firnas, rechercha les moyens techniques
qui permettraient à l’homme de s’élever dans les airs.
Originaire d’une province au nom à consonance berbère, Takurunna
(actuelle province de Malaga, dans le sud de la péninsule), Ibn Firnas
vécut en effet au IXe siècle,
essentiellement à Courdoue, la capitale, où il mourut en 887. Esprit
aussi brillant que distingué, Ibn Farnas fut le poète de cour de trois
souverains successifs, al-Hakam Ier, Abd ar-Rahman II et Muhammad Ier, à
la gloire desquels il composa de nombreux panégyriques. Mais c’est
essentiellement son goût pour les sciences qui lui valut de passer à la
postérité, et notamment sa qualité de précurseur de l’aéronautique. Les
sources historiques, maigres et souvent tardives, rapportent deux faits
distants dans le temps. En 852, un certain Arman Firman (nom latinisé
d’Abbas Ibn Firnas ou personnage distinct, la chose n’est pas claire)
fait une expérience qui s’avérera concluante. Vêtu d’un grand manteau
conçu à cet effet, il s’élance du haut du minaret de la grande mosquée
de Cordoue. Il en sera quitte pour quelques blessures. Le second fait,
rapporté par l’historien al-Maqqari al-Tlemceni (1578-1632), se produit
en 875. Ibn Firnas fit confectionner une sorte de combinaison comportant
deux ailes mobiles en bois recouvertes de soie et garnies de plumes de
rapaces. Le septuagénaire eut le courage de l’endosser pour s’élancer
depuis le sommet d’un précipice sous les yeux ébahis d’une large foule
convoquée pour l’occasion. Le vol en lui-même fut globalement une
réussite : l’inventeur parvint à se maintenir en vol plané pendant une
dizaine de minutes. L’atterrissage, en revanche, fut assez
catastrophique : le vieil homme se brisa les deux jambes et échappa à la
mort par miracle. Il aurait déduit de ce semi-échec qu’il manquait à
son invention la queue dont sont pourvus les oiseaux, et dont ils se
servent à la fois pour se diriger et pour amortir leur descente. Toutes
les expériences d’Ibn Firnas ne furent pas aussi malheureuses, loin s’en
faut. Il est ainsi à l’origine d’une clepsydre (horloge à eau) très
sophistiquée, la manqâna, ainsi que d’un métronome (Ibn Firnas
avait enseigné la musique et les mathématiques, deux disciplines
scientifiques liées chez les Arabes au Moyen-Age). Il a découvert seul
le moyen de tailler le cristal de roche, ce qui permit à l’émirat
maghrébin d’Espagne de se passer de la technologie égyptienne en la
matière. Il découvrit également le moyen d’obtenir un verre parfaitement
transparent. Il fabriqua les premiers verres correctifs, dans lesquels
il voyait un moyen d’améliorer le «confort de lecture». Ibn Firnas est
également à l’origine de la première sphère armillaire conçue et
fabriquée sur le sol européen, un mécanisme sphérique mobile qui
modélise le mouvement des étoiles autour de la Terre et celui du Soleil
dans l’écliptique. Enfin, il avait fait construire chez lui un système
automatisé qui permettait de figurer dans une pièce attenante à son
laboratoire la course des étoiles, mais aussi les nuages, le tonnerre et
les éclairs qui accompagnent le déclenchement d’un orage.
Article publié sur Zaman France (24 juin 2013).
Mots clés : abbas, Ibn Firnas, Cordoue, al-Makkari, vol, sphère armillaire, clepsydre, métronome, armen firman, Takurunna, Islam des mondes.
Mots clés : abbas, Ibn Firnas, Cordoue, al-Makkari, vol, sphère armillaire, clepsydre, métronome, armen firman, Takurunna, Islam des mondes.
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