par Seyfeddine Ben Mansour
A l’unisson de son petit village de Kigelo, comme de l’ensemble du
Kenya, la musulmane Sarra Obama, 90 ans, a fêté le 7 novembre la
victoire de son petit-fils Barack Hussein Obama aux élections
présidentielles américaines. La hajja, qui a effectué son
pèlerinage en 2010 en compagnie de son fils Saïd Hussein Obama, l’oncle
du président américain, et de quatre de ses petits-fils, avait alors
«imploré Dieu, le Tout Puissant, pour qu’Il guide [s]on petit-fils
[Barack Hussein] vers l’islam». La nonagénaire, qui est à l’origine de
la conversion à l’islam d’un cousin de Barack, Fayçal Oumbouya, continue
aujourd’hui de prêcher l’islam dans son village. A plus d’un titre,
l’islam kenyan peut être considéré comme représentatif de la moitié sud
de l’Islam est africain : une arrivée précoce (dès le VIIIe
siècle) ; une présence essentiellement concentrée sur les côtes, qui est
le fait, à l’origine, de communautés exogènes, d’origine arabe ou
arabo-persane, par ailleurs source, des siècles durant, d’une grande
prospérité ; une progression à l’intérieur des terres longtemps très
lente, voire nulle avant le XIXe (entre 1880 et 1930 dans le
cas du Kenya) ; l’appropriation culturelle de l’islam à travers la
culture et la langue swahilies, produits spécifiques du génie indigène.
Ces caractéristiques distinguent assez fortement l’islam subsaharien de
l’Est de son pendant occidental, où la pénétration de l’islam débuta
plus tardivement, mais constitua d’emblée un phénomène à la fois plus
étendu et plus autochtone (ignorant donc la distinction est africaine
entre un islam côtier et insulaire de culture arabo-persane et un islam
de l’intérieur, de culture plus spécifiquement africaine).
Bilal, le premier musulman africain
Le lien entre l’islam et l’Afrique de l’Est est des plus anciens : un
Ethiopien, Bilal ibn Rabah, fut l’un des premiers musulmans de
l’histoire, et le premier muezzin. C’est en outre en Ethiopie qu’avant
l’Hégire déjà un petit groupe de fidèles est allé trouver refuge. Si les
comptoirs commerciaux arabes commencent à être établis sur la côte est
africaine dès le VIIIe siècle, leur importance ne deviendra prépondérante qu’à partir du XIIe
siècle, la mer Rouge et l’Océan indien étant devenus entretemps un
vaste lac arabo-musulman. C’est de cette époque que date l’islamisation
véritable de la côte, où un chapelet de villes marchandes s’enrichiront
grâce au commerce de l’ivoire, de l’or et des esclaves. Intégrées à la
route maritime de la soie, dont elles constituaient la partie
afro-islamique, elles entretenaient des rapports avec tout le
Moyen-Orient, l’Inde et la Chine. Ces centres de peuplement recevaient
périodiquement de nouveaux immigrants venant d’Oman, de Mascate,
d’Arabie du Sud et de la région arabo-persane du Golfe. Les influences
réciproques entre ces immigrants, les premiers colons arabes, et les
peuples indigènes de la côte, les Bantous, ont été à l’origine d’une
nouvelle ethnie pantribale, les Waswahili, de religion musulmane, ainsi
que d’une nouvelle langue, de structure africaine bantoue, mais dont le
vocabulaire est très largement d’origine arabe et persane, le swahili.
Communauté détribalisée et entièrement tournée vers le commerce
maritime, la communauté swahilie de la côte est restée essentiellement
une société fermée, qui ne s’est pas propagée à l’intérieur des terres.
C’est le colonialisme qui, à partir du XIXe siècle,
déstructurant les sociétés animistes de l’intérieur, créera un vide
socioreligieux ; ce vide sera comblé par le christianisme européen, mais
aussi par l’islam swahili, conçu dès lors comme une religion proprement
africaine.
Mots clés : Afrique, Islam, village, Barack Obama, Islam des mondes.
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