par Seyfeddine Ben Mansour
Le fait est désormais acquis, le Parlement se réunira en congrès avant cet été pour supprimer le mot race
de la Constitution, conformément à la promesse du candidat Hollande. Le
mot figure dans l’article premier de la Constitution de 1958, qui
stipule que la République «assure l’égalité devant la loi de tous les
citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion». Les textes
qui ont vocation à être source de lois, la constitution ou le Coran et
la Sunna, s’ils posent un idéal d’équité, ne sauraient évidemment rendre
les hommes parfaits, et les pays d’islam, comme la France, ont connu et
connaissent des préjugés raciaux. Cependant, il est assez remarquable
que le mot arabe le plus à même de traduire le concept de race 'irq
(littéralement, «racine»), est absolument inconnu du Coran. S’il
apparaît de manière sporadique dans les hadiths, une seule occurrence se
rapproche de ce sens à travers celui, éloigné, de «caractère
héréditaire». Le Coran ne nie pas pour autant la diversité des hommes :
«Et parmi Ses signes, il y a aussi la création des Cieux et de la Terre,
la diversité de vos langues et de vos couleurs» (XXX, 22). Mais il la
pose comme procédant d’une unité fondamentale : «Ô hommes ! Craignez
votre Seigneur qui vous a créés d’un seul être et qui, ayant tiré de
celui-ci son épouse, fit naître de ce couple tant d’êtres humains,
hommes et femmes !» (IV, 1). Et, partant, pose l’égalité non moins
fondamentale de l’ensemble des hommes, appelés à se (re)connaître dans
leur diversité : « Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une
femelle, et Nous vous avons répartis en peuples et en tribus, pour que
vous fassiez connaissance entre vous. En vérité, le plus méritant
d’entre vous auprès de Dieu est le plus pieux» (XLIX, 13).
La vertu contre la loi du sang
Il est à noter que ce verset a été révélé immédiatement après l’entrée
triomphante du Prophète à la Mecque, et la réflexion raciste que fit
Harith ibn Hisham en voyant Bilal ibn Rabah, un Africain noir et l’un
des premiers compagnons de Muhammad, faire l’appel à la prière. Il est à
noter également que le Prophète était issu d’une société très
hiérarchisée, où la noblesse du lignage était une valeur majeure, et
qu’en sa qualité de membre du clan Hashim de la tribu Quraysh, il était
du meilleur sang arabe, ‒ comme l’était du reste son oncle Abu
Lahab, qui n’en sera pas moins voué aux feux de l’Enfer par le Coran,
qui le cite nommément (CXI). Car si prééminence il y a, elle est morale,
et ne saurait être autre que morale : «[le Prophète] n’a jamais
favorisé les Arabes [en quoi que ce fut] et a toujours fondé ses
jugements sur les hommes en fonction [des critères éthiques du] Coran»,
souligne l’exégète Ibn Taymiyya (1263-1328). Parmi ses compagnons, il y
avait, outre l’Ethiopien Bilal,‒ à l’origine, un esclave affranchi par Abou Bakr ‒,
Salman al-Farisi, un Perse né près d’Ispahan, et ‘Abd Allah ibn Salam,
Juif de la tribu des Banu Qaynuqa’, et rabbin très connu avant sa
conversion à l’islam. L’exégète Ibn al-Mubarak (mort en 797) rapporte
qu’Abou Dharr al-Ghifari, autre compagnon du Prophète, avait dans un
accès de colère traité Bilal ibn Rabah de «fils de Noire». Il fut
fermement réprimandé par le Prophète : «C’en est trop, Abou Dharr !
Celui qui a une mère blanche n’a aucun avantage sur celui dont la mère
est noire. Ton comportement est celui d’un homme de la Jahiliyya [de
l’ère païenne].» Profondément affecté, Abou Dharr se prosterna face
contre terre et jura qu’il ne relèverait la tête qu’une fois que Bilal y
aurait posé le pied. L’islam devenu un puissant empire, ‘Omar, le
deuxième calife, se plaira à rappeler que «notre maître Abou Bakr
a[vait] affranchi notre maître Bilal». Il n’est certes de supériorité
que par la vertu.
Mots clés : Islam des mondes.
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