par Seyfeddine Ben Mansour
La
Journée mondiale de l’asthme a eu lieu le 7 mai dernier sur le thème
des nouveautés dans le traitement de la maladie. L’occasion de les
passer en revue, et de rappeler que les médicaments inhalés (sprays,
notamment) ne guérissent pas, mais contribuent simplement à rendre les
bronches moins irritables et à éviter ainsi la crise d’asthme. C’est Abu
Bakr Muhammad Ibn Zakkariyya Razi (854-925) ‒ Rhazès, dans la tradition
occidentale ‒ qui découvrit l’asthme allergique.
Article publié sur Zaman France (13 mai 2013).
Auteur de 200 ouvrages médicaux
Il composa ainsi, il y a plus de onze siècles, le premier traité connu sur l’allergie et l’immunologie, Causes du coryza au printemps, quand les roses sentent bon.
Musicien à l’origine, il s’est intéressé aux sciences à l’âge de trente
ans, philosophe, chimiste, Razi est surtout passé à la postérité comme
l’un des plus grands médecins de tous les temps. Auteur de près de deux
cents ouvrages, son Continens (Hâwî), somme
monumentale en 22 volumes qui embrassait tout le savoir médical du
temps, était sous Louis XI le seul ouvrage que possédait la Faculté de
médecine de Paris. Quant à son Traité sur la variole et la rougeole,
‒ dans lequel il émet l’hypothèse d’une transmission par virus avant la
lettre ‒, il demeurera longtemps une référence en Europe (traduction de
Leclerc et Lenoir en 1866). Ce qui caractérise Razi, c’est cette
absence de dogmatisme qui le faisait se méfier de la théorie pure, et
privilégier toujours l’observation, l’expérimentation et la pratique.
Transmission du savoir
Bien plus que sa maîtrise de spécialités
aujourd’hui familières ‒ chirurgie, ophtalmologie, gynécologie,
obstétrique, vénérologie (MST), etc. ‒, ce sont ces postulats
méthodologiques qui sont à l’origine de son extraordinaire modernité.
Médecin chef de l’hôpital de Bagdad, il l’organise à la manière des
actuels CHU, avec un service de consultations externes, et, en interne,
une tournée des malades effectuée quotidiennement par le professeur,
accompagné de son équipe composée de jeunes praticiens et d’étudiants en
médecine. Razi était très attaché à cette idée de la transmission du
savoir et de la formation continue. Il conseillait ainsi à ses confrères
de consigner leurs observations par écrit et d’organiser des rencontres
sous forme de discussions (l’équivalent des congrès ou symposiums
actuels). On trouve ainsi chez lui, toujours fondées sur l’observation
et l’expérimentation, une critique de la théorie grecque des humeurs
‒ qui explique la maladie par un déséquilibre entre chaud, froid, sec et
humide, et dont la médecine occidentale ne s’émancipera qu’à partir du
XVIIIe siècle ‒, et la conception de la guérison comme résultant d’une réaction chimique opérée dans le corps du malade.
Création du premier service psychiatrique de l’Histoire
Celui qui a découvert l’acide sulfurique
et qui produisait de l’éthanol pour ses besoins pharmacologiques est
ainsi un des premiers à appliquer les connaissances chimiques à la
médecine. Les composés médicamenteux qu’il obtenait ainsi étaient
expérimentés sur des animaux avant d’être prescrits à ses malades.
Néanmoins, il dénonçait les «associations de médicaments» (souvent
nocives) que pratiquaient certains de ses confrères, leur préférant «des
médicaments simples» et, si possible, un traitement «par le [seul]
régime [alimentaire]», ‒ et de manière préventive, une hygiène de vie
saine (habitat sain, modération en matière de nourriture et de boisson,
et exercice physique régulier). De manière pionnière également, il a
pris en compte la dimension psychologique, aussi bien au niveau du
patient lui-même (douleurs physiques diagnostiquées comme étant
d’origine psychologiques, c’est-à-dire psychosomatiques), qu’au niveau
de son entourage immédiat (dont l’influence sur le processus de guérison
peut être grande). Razi a ainsi été à l’origine de la création d’un
service de psychiatrie à l’hôpital de Bagdad, le premier de l’histoire
de l’humanité.
Mots clés : Razi, Abu Bakr Muhammad Ibn Zakkariyya Razi, Bagdad, Rhazès, médecine, médecin, variole, asthme, Islam des mondes.
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