par Seyfeddine Ben Mansour
Ce
vendredi 20 juillet, qui scrutera le ciel devrait apercevoir le fin
croissant de lune annonçant le mois nouveau, et par là même le premier
jour de ramadan 1433. Neuvième mois de l’année hégirienne, «le mois de
ramadan [est celui] au cours duquel fut révélé le Coran» (II : 185).
C’est le mois spirituel par excellence, et dont le jeûne constitue le
quatrième des cinq piliers de l’islam. Il n’est pas anodin à cet égard
que le mot qui signifie «jeûne», sawm, puisse dans certains
contextes avoir l’acception plus large d’«abstinence». C’est notamment
le cas dans le Coran même, dans la sourate de Marie, où la Vierge après
avoir enfanté, fait vœu de silence : «J’ai fait vœu de sawm au
Tout-Miséricordieux : je ne parlerai donc aujourd’hui à aucun être
humain» (XIX : 26). Le ramadan, en tant qu’exercice spirituel, a été
codifié par les juristes. Il existe certes des divergences entre les
différentes écoles juridiques, mais elles sont relativement mineures. Le
jeûne est ainsi entendu comme abstinence de tout ce qui peut le rompre,
abstinence à laquelle préside une intention spécifique (niyya).
Le jeûneur doit être musulman, en pleine possession de ses facultés
mentales, et, dans le cas d’une femme, ne pas être en période de pertes
sanguines (cycliques ou consécutives à un accouchement). Le jeûne est
réputé valide (sahîh) si ces conditions sont remplies.
L’obligation de jeûner incombe à tout adulte pour autant qu’il en est
physiquement capable. Il est par ailleurs recommandé de s’abstenir de
dire du mal d’autrui et a fortiori de calomnier ; d’éviter toute action
susceptible de susciter le désir ; de réciter le Coran pour soi et pour
les autres ; et d’observer une retraite spirituelle à la mosquée (i‘tikâf).
A ces recommandations, le philosophe juriste et théologien al-Ghazâlî
(1058-1111) ajoute le devoir de charité envers les nécessiteux.
Les trois niveaux du jeûne de ramadan
Dans un des chapitres de son monumental Ihyâ’ ‘ulûm ad-dîn (Revivification des sciences de la religion), intitulé Kitâb asrâr as-sawm (Des secrets du jeûne),
al-Ghazâlî souligne à quel point Dieu tient le jeûne en haute estime. A
l’appui de cette affirmation, il cite de nombreux hadîths, auxquels il
ajoute les arguments suivants : jeûner est un acte passif que Dieu seul
voit ; un acte qui consacre la défaite du Malin, les désirs de l’homme
étant le moyen qu’utilise Satan pour arriver à ses fins. Jeûner est dès
lors «la voie du service de Dieu». A l’issue d’une longue énumération de
l’ensemble des règles liées à l’observance du jeûne, faite à la manière
du juriste qu’il est par ailleurs, al-Ghazâlî déclare que… l’essentiel
est ailleurs. Il distingue ainsi trois niveaux. Le premier est celui,
plat, des prescriptions juridiques du fiqh. Le dernier, le plus élevé, est celui des Prophètes, des siddîqûn (les «saints véridiques», à l’instar de Abû Bakr as-Siddîq, compagnon de Muhammad) et des muqarrabûn,
ceux à qui il a été permis d’être dans la proximité de Dieu : pour ces
trois catégories représentant une humanité moralement supérieure, le
jeûne est un acte absolument détaché des désirs de ce bas monde. Le
second niveau suffit à ceux qui, appartenant au commun des mortels, n’en
sont pas moins animés d’un sincère sentiment de piété : il consiste à
faire prévaloir la volonté sur les sollicitations du corps, et notamment
celles transmises par les organes sensoriels. Ses passions par lui
assujetties, le musulman se tient loin de tout péché, n’ayant laissé
nulle chose de ce monde le distraire de l’adoration de Dieu l’Unique.
Mots clés : Ramadan, jeune, al-ghazâlî, fiqh, prophètes, volonté, validité jeûne, Ramadan 2012, Islam des mondes.
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