par Seyfeddine Ben Mansour
Le
10 Ramadan de l'an 8 de l'Hégire, la Mecque est prise par le Prophète
Muhammad. Sans coup férir. Muhammad aura ainsi démenti l’adage selon
lequel «nul n’est prophète en son pays». Non sans peine, certes. A bien
des égards, le parcours de l’Envoyé de Dieu est prodigieux : voilà un
homme qui prêche pendant plus d’une décennie dans sa ville natale, pour
en être finalement chassé lui et ses fidèles (autour d’une centaine,
alors). Puis, après une autre décennie, le voilà devenu le maître de
cette même Mecque, recevant, au-delà, l’allégeance et la conversion de
toute l’Arabie !
La persécution puis l'Hégire
Entre ces deux moments, il y a eu l’Hégire (622), l’émigration vers
Médine des musulmans de la Mecque ; un groupe d’environ 70 fidèles,
partis, de manière préventive, par petits groupes, et qui seront par la
suite rejoints par le Prophète, Abou Bakr, Ali et leurs familles. La
raison en est les persécutions dont faisaient l’objet les musulmans de
la part des puissants Qurayshites. La caste de marchands polythéistes a
supporté la prédication de Muhammad tant que son oncle, Abou Talib (le
père de Ali) était leur chef. A sa mort, c’est Abu Lahab, l’un des plus
farouches adversaires du Prophète, qui prend sa place. Les premiers
fidèles de l’islam appartenant pour l’essentiel aux franges les plus
vulnérables de la société mecquoise (jeunes, pauvres, esclaves),
Muhammad a préféré les envoyer chez les Médinois, avec lesquels il
venait de s’allier, et où, donc, ceux qu’on allait appeler les Muhâjirûn, les Emigrés, allaient pouvoir vivre leur foi librement, mais aussi, aux côtés de leurs frères médinois, les Ansâr, contribuer au triomphe de l’islam.
Continuité du discours coranique
On a coutume d’opposer la période mecquoise de la prédication
prophétique à sa période médinoise : la première serait spirituelle et
de souffrance, la seconde, séculière, faite de guerres et de violences.
La réalité est plus complexe, et plus profonde. Certes, la prédication
mecquoise est pacifique, malgré les persécutions. Les sourates sont
courtes et souvent d’une grande beauté. Les thèmes mettent en avant la
responsabilité de l’homme en tant que créature de Dieu, le Jugement
dernier, l’opposition paradis/enfer, la Nature comme signes, la
solidarité vis-à-vis des pauvres, etc. Certes, les sourates de la
période médinoise sont plus longues, plus ancrées dans le monde ici-bas,
comme le montrent les passages de type juridique. Néanmoins, les deux
périodes sont moins tranchées qu’il n’y paraît, essentiellement parce
qu’il y a eu continuité du discours coranique : approfondissement de
l’histoire sacrée, mise en place du rituel, appel à la moralité et à la
crainte de Dieu, promesses et menaces liées à l’au-delà, etc. Autrement
dit, parce qu’il y a eu continuité du noyau religieux central de la
prophétie, qui est à facettes multiples : arbitrage et pacification à
l’intérieur de Médine, où naît le concept de Umma (communauté
de croyants) dans un contexte pluriconfessionnel (tribus juives,
notamment), géré par un Prophète législateur, arbitre des conflits et
intercesseur entre les croyants et Dieu. L’autre facette, celle dirigée
vers l’extérieur, s’exprime elle par la guerre, notamment contre
Quraysh. L’interaction entre exigences internes et externes conduira,
historiquement, à la défaite finale de Quraysh, et au triomphe de
l’islam dans la région et bientôt dans l’ancien monde connu.
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