par Seyfeddine Ben Mansour
Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a déclaré dans le Parisien,
mardi 30 octobre, qu’un retour à la semaine de 39 heures n’était «pas
un sujet tabou». Cette remise en cause d’un acquis social majeur a
suscité un tollé, au point que le chef du gouvernement aura dû assurer
le jour même sur France Info qu’il n’était «pas question de
revenir sur les 35 heures». Réforme emblématique de la gauche, les 35
heures sont généralement associées aux RTT et à l’allongement du
week-end. L’idée d’un jour de repos hebdomadaire, aujourd’hui si
familière, est restée, jusqu’à l’aube des temps modernes, absolument
étrangère à la majeure partie de l’humanité. Sécularisée par les
différentes législations sociales à travers le monde, c’est à l’origine
une pratique religieuse juive – le shabbat – dont héritera le
christianisme sous la forme du repos dominical. On a coutume, à tort,
d’y associer le vendredi, «shabbat ou dimanche musulman». Si plusieurs
pays musulmans ont fait du vendredi un jour de repos officiel, il
s’agit, ici comme ailleurs, de répondre aux exigences de la vie moderne.
Tous n’ont pas opté pour ce jour culturellement symbolique : la Turquie
ou la Tunisie, par exemple, ont adopté le dimanche. Le vendredi est
d’ailleurs, dans son essence, un jour consacré au culte public, et, en
aucune manière, un jour de repos. Malik Ibn Anas (711-795), fondateur
d’une des quatre écoles juridiques de droit musulman sunnite, rapporte
ainsi que les Compagnons du Prophète désapprouvaient le choix de
certains musulmans de Médine, qui s’abstenaient de travailler le
vendredi, sur le modèle des juifs et des chrétiens. Par ailleurs, il est
notable que l’institution, sous le règne du calife al-Mu’tadid
(892-902), de deux jours de fermeture hebdomadaire des administrations
publiques – les jeudi et vendredi – n’ait pas donné lieu historiquement à
un usage établi.
Un jour de fête pour les musulmans
La chose souligne ici en creux la conception du vendredi comme jour de
culte et non de repos hebdomadaire. Envisagée d’un point de vue
théologique, cette différence ressortit au fait qu’en islam Dieu ne
s’est pas «reposé le septième jour» (Exode XX, 11). «Jour de l’assemblée» par excellence, conformément à son étymologie (yawm al-jum‘a), le vendredi voit se réunir les fidèles chaque semaine à l’heure de la prière du dhuhr
(milieu du jour). Ils écoutent les deux sermons de l’imam, puis
effectuent la prière collective. Chacun, conformément à la Tradition
aura pris un bain, mis des vêtements propres, de préférence blancs, aura
taillé ses ongles, sa barbe ou se sera rasé de frais, avant de se
parfumer, et de se rendre à la mosquée en marchant avec calme et
dignité. Si le vendredi est une véritable fête, c’est qu’en islam ce
jour est béni entre tous. Un hadith rapporté par Ibn Maja affirme en
effet que «Le jour du vendredi est le maître des jours, le plus
important auprès de Dieu. Il est plus important que le Jour du Sacrifice
et le Jour de la rupture du jeûne. […] C’est un vendredi que Dieu a
créé Adam, c’est un vendredi que Dieu fit descendre Adam sur terre,
c’est un vendredi que Dieu se saisit de l’âme d’Adam, c’est dans la
journée du vendredi que se trouve une heure où Dieu exauce les demandes
de celui qui l’adore, quelles qu’elles soient, tant qu’il ne demande pas
quelque chose d’inutile. Et c’est un vendredi que viendra l’Heure
dernière [i.e. le Jugement dernier]». Le Coran souligne enfin
l’importance de cette prière collective, et de cette fête, qui rythme,
de semaine en semaine, la vie de la communauté des musulmans : «Lorsque
l’appel à la prière du vendredi se fait entendre, hâtez-vous d’y
répondre, cessant toute activité !» (sourate de Vendredi, 9).
Article publié sur Zaman France (09 novembre 2012).
Mots clés : vendredi, shabbat, musulman, Fête, Islam des mondes.
Mots clés : vendredi, shabbat, musulman, Fête, Islam des mondes.
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