par Seyfeddine Ben Mansour
Le
4 septembre 973, naissait Abou al-Rayhan Muhammad Ibn Ahmad al-Biruni,
«l’un des plus grands scientifiques de tous les temps» d’après George
Sarton (1884-1956), l’un des pères fondateurs de l’histoire des
sciences. Google.tn a modestement commémoré le 1039e anniversaire de sa
naissance en lui dédiant sa page d’accueil. En 1970, l’Union
astronomique internationale lui avait rendu un hommage autrement plus
officiel en attribuant le nom d’al-Biruni à un des cratères de la lune.
L’astronomie et les mathématiques étaient en effet les domaines de
prédilection de celui qui, dès son plus jeune âge, s’est signalé par son
génie et sa boulimie de savoir. A l’âge de 17 ans, il calculera la
latitude de Kath, au Khwarezm (sud-ouest de l’actuel Ouzbékistan), avec
des instruments de son invention, à partir de l’altitude maximale du
soleil. A 22 ans, il passe en revue et discute dans un traité de
cartographie un grand nombre de projections, avant de proposer sa propre
méthodologie pour projeter un hémisphère sur un plan. Il découvrira la
force d´attraction terrestre 7 siècles avant Newton. Il envisage, à la
suite d’Aristote et de Ptolémée, la rotation de la Terre sur elle-même,
mais aussi autour du soleil, réflexion qui précède donc de 5 siècles la
théorie copernicienne. Al-Biruni avait également calculé par
triangulation le rayon de la Terre et établi qu’il était de 6.339,6 km,
valeur qui ne pourra être calculée en Europe qu’à la Renaissance, soit 6
siècles plus tard. L’écart entre la valeur mesurée par le savant du Xe
siècle et celle obtenue avec les moyens actuels est de 0,24 %. De même,
indique-t-il pour la longueur de l’année tropique le chiffre de 365
jours, 5 heures, 46 minutes et 47 secondes, soit une valeur inférieure
d’à peine deux minutes à celle obtenue avec les appareils et méthodes de
calculs actuels.
Un savant humaniste avant l’heure
La pluridisciplinarité étant la norme chez les savants arabo-musulman –
l’ensemble des sciences participant à l’intelligence du monde voulue
par le Créateur – al-Biruni n’était pas uniquement mathématicien et
astronome. Il a en effet rédigé des traités dans des disciplines aussi
diverses que la géologie, la minéralogie, la physique, la médecine, la
pharmacologie, la botanique, la géographie, l’histoire, la philosophie,
mais aussi, avant la lettre, l’ethnologie. Son Livre de l’Inde, rédigé
entre 1027 et 1032, alors qu’il accompagnait le souverain turc Mahmud de
Ghazni dans ses expéditions militaires dans le nord-ouest de l’Inde,
est ainsi une description de grande valeur de la religion et de la
philosophie du sous-continent, ainsi que des mœurs de ses habitants. Un
savant étant toujours par ailleurs un homme de lettres dans la
civilisation islamique médiévale, al-Biruni était également traducteur
et poète. S’il a rédigé son œuvre en arabe et en persan, il connaissait
également le turc, le syriaque, l’hébreu, mais aussi le sanskrit, langue
scientifique, religieuse et littéraire de l’Inde. Il a ainsi traduit un
poème sur les Bouddhas de Bamiyan, ces mêmes sculptures monumentales
que détruiront les Talibans en 2001. Scientifique jusque dans la
conduite de sa propre existence, al-Biruni était dépourvu de préjugés ;
homme de lettres, homme d’esprit, il magnait l’ironie avec beaucoup d’à
propos. Un jour qu’il montrait à un homme de religion un instrument
destiné à déterminer l’heure de la prière, ce dernier lui reprocha le
fait que les noms de mois gravés étaient ceux du calendrier byzantin
(basé sur les mouvements du soleil). «Il se trouve par ailleurs que les
Byzantins se nourrissent ; sans doute devrions-nous nous interdire de
les imiter…» répliqua le savant.
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