par Seyfeddine Ben Mansour
«[L’empereur Soliman Ier] a passé trente ans de sa vie à dos de cheval
et non dans des palais comme on nous le montre à la télé», s’est exclamé
Recep Tayyip Erdogan le 25 novembre dernier, dans une condamnation sans
appel de la série télévisée Le siècle magnifique (Muhtesem Yüzyil).
Diffusée en Turquie, en Europe de l’Est et dans le monde arabe – soit
dans l’ancienne ère ottomane – la série, chronique éminemment romanesque
et passablement décadente des amours de Soliman Ier et de Roxane,
rencontre un franc succès. Son titre arabe, Le harem du Sultan (Harîm
as-Sultân), est d’ailleurs sans équivoque. C’est contre cet aspect
réducteur que s’est insurgé le Premier ministre turc, n’hésitant pas à
dénoncer une atteinte aux «valeurs du peuple» turc. Assurément le plus
illustre des sultans ottomans, Soliman Ier régnera près d’un demi-siècle
(1520-1566) sur un Empire au sommet de sa puissance et de sa gloire.
Kanûnî Sultan Süleyman alias Süleyman Ier a été surnommé «le Grand
Turc», «le Grand Seigneur» ou encore «Soliman le Magnifique» par un
Occident qui le craignait au moins autant qu’il l’admirait. Alors que
Soliman n’est sur le trône que depuis une année, le beglerbeg
(gouverneur) de Syrie-Palestine, Janbardi al-Ghazali, croit pouvoir se
rebeller. Il sera aussitôt soumis par le jeune empereur qui dirige en
personne l’expédition punitive, pour l’exemple. Cette année 1521
inaugurera une impressionnante série de «campagnes impériales» (seferi-i
humâyûn) : dix en Europe et trois en Asie, toutes conduites par Soliman
Ier. Le 29 août, il force Belgrade à se rendre, réussissant là où son
arrière-grand-père Mehmet II le Conquérant avait échoué, et qui avait
valu à la ville les titres flatteurs de «clé de la Hongrie» et de
«bastion du christianisme». Il mobilisera ensuite 200.000 hommes pour
prendre l’île de Rhodes, aux mains de l’Ordre de Saint-Jean. Les
chevaliers se rendent le 21 décembre 1522 et quittent librement l’île,
conformément à la promesse de l’Empereur, ce qui contribuera à sa
réputation d’homme de parole et de guerrier magnanime.
Des succès militaires et politiques
Le 11 septembre 1526, il entre dans Buda (actuelle Budapest), après que
l’artillerie ottomane ait mis en pièces la cavalerie hongroise. Le 18
août 1828, il confirme son vassal Janos Szapolyai comme roi de Hongrie.
Sur la citadelle moldave de Bender, on peut lire cette inscription
datant de 1538 : «Je suis le Sultan qui a pris possession de la couronne
et du trône de Hongrie pour les restituer à son humble serviteur»…
L’Empereur poursuit sa route vers Vienne, qu’il assiégera en vain ; un
hiver rigoureux et des problèmes de logistiques insurmontables le
contraindront à lever le camp. Soliman Ier n’en était pas moins
convaincu d’être le maître du monde, refusant à Charles Quint et à
Ferdinand Ier de Habsbourg le titre d’empereur : dans les
correspondances diplomatiques, ils n’étaient, réciproquement, que «le
roi d’Espagne» (Ispanya krali), et «le roi de Vienne» (Bee krali). Il
réussira à contenir notablement leurs ambitions, notamment en
Méditerranée, en réalisant une véritable révolution diplomatique : une
alliance entre les deux principaux ennemis des Habsbourg, le sultan
Soliman Ier et le roi très-chrétien François Ier, une alliance à la fois
militaire, commerciale et juridique qui bénéficiera aux deux parties.
L’un des derniers succès militaires du règne de Soliman Ier fut
incontestablement la bataille de Preveze (1538), le plus grand succès
naval de l’histoire ottomane, où, en dépit de sa supériorité numérique,
la Sainte Ligue — composée de Venise, des Etats pontificaux, de
l’Espagne et de l’Ordre de Saint-Jean – sera complètement défaite par la
flotte ottomane sous la conduite de l’amiral Kheyreddine Barberousse.
Elle consacrera, en Méditerranée, une suprématie ottomane déjà
incontestable d’Alger à la Crimée.
Mots clés : series turcs, Soliman Ier, Empire Ottoman, Muhtesem Yüzyil, Venise, Vienne, Rhodes, Budapest, Charles Quint, Mehmet II, Hongrie, Syrie, Espagne, Turquie, Islam des mondes.
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