par Seyfeddine Ben Mansour
L’enfance de Jésus de Benoît XVI est paru ce 21 novembre chez
Flammarion. Dans ce troisième tome de son œuvre consacrée à la vie du
Christ, le pape affirme notamment que la naissance de Jésus remonte à 6
ou 7 années avant la date officiellement reconnue, affirmation pour le
moins insolite qui est aussi l’occasion pour le souverain pontife de
rappeler que le Christ «appartient à une époque exactement datable et à
un milieu géographique exactement indiqué.» Du point de vue du
calendrier, seul compte ici l’existence de cet événement fondateur, qui,
dans chacune des grandes traditions monothéistes, inaugure l’ère
nouvelle : ici, la naissance de Jésus, la création du monde dans le cas
du judaïsme, et l’Hégire en islam. Cette idée de rupture (que suppose
toute fondation nouvelle) est présente dans le terme même de Hijra,
«Hégire», qui signifie à l’origine «séparation», et plus spécifiquement
«rupture des liens sociaux», d’où, ensuite, le sens dérivé de
«émigration». Le fait historique est attesté : d’après une tradition
d’Ibn ‘Abbas, compagnon du Prophète, le premier départ de musulmans pour
Yathrib, future Médine, a eu lieu le lundi 12 Rabî’ al-Awwal, soit le
19 juillet 622. Le Prophète sera parmi les derniers à effectuer le
voyage, quittant la Mecque en compagnie d’Abou Bakr le 9 septembre et
arrivant à Yathrib le 24. Les dates exactes importent peu ici, dans la
mesure où la nouvelle ère est réputée commencer non pas le jour du
départ de tel ou tel musulman, fût-ce le Prophète lui-même, mais le
premier jour de l’année au cours de laquelle l’événement en tant que
tel, l’Hégire, a eu lieu.
Un calendrier sous le signe de la lune
Cette institution d’un nouveau comput et d’un nouveau calendrier ne se
fera que plus tard, sous le calife Omar. La régulation du temps étant
une nécessité du point de vue du pouvoir politique (du pouvoir dit
«temporel»), le jeune Etat islamique devra en effet y pourvoir dix ans
après l’Hégire. Jusqu’alors, les musulmans avaient continué d’utiliser
l’ancien calendrier arabe, dont ils conserveront les 12 noms de mois.
Luni-solaire, il était doté d’un mois intercalaire qui lui permettait de
rester en phase avec les saisons, ce dont témoigne d’ailleurs le sens
de noms tels que Safar (mois «où les chamelles sont pleines») ou Rajab
(mois du «sacrifice du chameau»). La 9e année de l’Hégire, un
verset (IX, 37) commandera l’abolition de ce mois intercalaire,
instituant, sans nouveau comput encore, un calendrier purement lunaire.
L’année lunaire étant plus courte que l’année solaire, ce calendrier
sera en perpétuel déphasage par rapport au cycle des saisons. Aussi
partout dans le monde musulman continueront d’être utilisés, pour des
usages spécifiques, les calendriers solaires préislamiques, tant parmi
la population, notamment chez les paysans (calendrier julien au Maghreb
et en Andalousie, copte en Egypte), que par le pouvoir lui-même,
notamment pour la levée des taxes (calendrier julien dans
l’administration ottomane). L’ère chrétienne s’étant imposée au cours du
XXe comme une norme internationale séculière, elle s’étendra
progressivement à l’ensemble du monde musulman. La République turque
l’adoptera officiellement dès 1927.
Mots clés : Benoît XVI, Christ, Hégire, Prophète, Islam, Etat islamique, Égypte, judaïsme, Islam des mondes.
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