par Seyfeddine Ben Mansour
Le 22 septembre dernier ouvrait le huitième département du Louvre,
consacré aux arts de l’Islam. Sous une verrière ondulante due aux
architectes Bellini et Ricciotti, le nouveau département s’étend sur
3.000 m2 et abrite quelques 19.000 objets répartis sur deux
étages dans la cour Visconti. Musée universel par excellence, le Louvre
est pour les arts d’Islam un écrin idéal, l’un des rares à même de
rendre compte de leur universalité, aussi bien en tant que produits
d’une culture qui a porté le flambeau de la civilisation humaine, qu’en
tant que produits d’une civilisation qui s’est étendue sur la
quasi-totalité du monde connu. S’il existe en effet une esthétique
propre appelée «arts de l’Islam», qui relève tant du domaine religieux
que du domaine profane, elle se décline en une variété de formes et de
techniques depuis le Portugal jusqu’au Turkestan chinois. L’unité de
cette esthétique relève en dernière analyse de l’interdit relatif de la
représentation en islam, qui a favorisé le développement de la
calligraphie et des motifs ornementaux, géométriques ou floraux. La
représentation figurée des hommes et des animaux, si elle est loin de
constituer la norme dans le domaine profane, est simplement proscrite
dans le domaine religieux (ainsi l’enluminure coranique et la décoration
des mosquées). Aussi, si l’art de la miniature a pu se développer, dans
l’aire persane notamment, il n’existe pas à proprement parler d’art
pictural d’Islam. La typologie des arts d’Islam comprend essentiellement
l’architecture, les arts du livre et les arts mobiliers, l’art de la
calligraphie traversant ces trois catégories. Papier, céramique, ivoire,
bois, cuir, textile, verre, cristal, métaux, pierres précieuses,
marbre, pierre, brique et stuc, le génie des artistes et artisans
musulmans se sera exprimé à travers une très grande variété de supports.
Trait caractéristique des grandes civilisations, ce génie tout
islamique est historiquement un creuset dans lequel se sont fondus les
savoirs, les techniques et les esthétiques des peuples qui ont embrassé
l’islam. Ainsi le dôme du Rocher à Jérusalem (660), dû à des Syriens
byzantins, est-il la reproduction avec un décor floral et calligraphique
spécifique de la cathédrale de Bosra (plan octogonal central avec
coupole). Le transfert du califat de Damas à Bagdad au milieu du VIIIe
siècle marquera le début d’une forte influence de l’art iranien,
notamment dans l’architecture avec l’utilisation de la brique. Mais
également dans le travail du bronze, du verre et surtout des céramiques,
dont les célèbres céramiques à reflets métalliques, que l’on retrouvera
très vite dans l’Occident musulman (mirhab de la Grande mosquée de
Kairouan, 670), qui en développera la technique des siècles durant :
bien que très marqué par la faïence flamande, l’azulejo portugais en est
aujourd’hui l’héritier direct. Si l’art du tissu est pour une large
part le fait des Egyptiens, celui du tapis est essentiellement celui de
l’aire turco-iranienne, et spécialement de l’Anatolie. Ainsi soumis du
milieu du VIIe à la fin du IXe siècle aux influences des peuples devenus musulmans, c’est entre le Xe et le XIIe siècle qu’il prendra conscience de lui-même, brillant d’un éclat sans pareil dans les trois siècles suivants (XIIIe-XVe siècle). Il connaîtra un rebondissement au XVIe
siècle sous l’impulsion de l’architecte ottoman Sinan. L’avènement à la
même époque en Inde d’une dynastie turco-mongole de culture persane,
les Moghols, sera également à l’origine d’un des chefs-d’œuvre de l’art
d’islam : le célèbre Taj Mahal, qui unira à l’élégance persane, la
somptuosité indoue.
Article publié sur Zaman France (05 octobre 2012).
Mots clés : Islam des mondes.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire