par Seyfeddine Ben Mansour
Le
4 juillet dernier, un élu UMP s’est indigné de ce qu’une enseigne
commerciale comme Carrefour puisse faire de la publicité pour des
produits liés au ramadan. «Notre république est-elle toujours laïque ?»
s’interroge ainsi Laurent Burgoa sur son mur Facebook. Islamophobe,
l’élu nîmois ne s’est jamais ému de ce que Noël ou Pâques fassent
l’objet d’une utilisation commerciale, pourtant autrement plus
importante. Loin de de ces considérations de basse politique, les
croyants sont effectivement fondés à se dire choqués que des fêtes
spirituelles soient réduites à un festival de la consommation. Et ce qui
est vrai pour Noël ou Pâques l’est plus encore pour Ramadan, mois de
recueillement par excellence, mois d’élévation spirituelle au-dessus des
basses contingences de la matière. Rien n’est plus contraire à l’esprit
du jeûne de Ramadan en effet que cette consommation effrénée propre à
notre modèle de société. Cette dimension spirituelle essentielle et qui
est niée ici, le Prophète l’a exprimé de maintes manières, par ses
propos et plus encore par ses actes. Il rompait le jeûne de la manière
la plus frugale, invitant ainsi les hommes à méditer sur cette
simplicité qui est bénédiction : «Rompez le jeûne avec une datte ; vous y
trouverez des bénédictions. Et si vous ne trouvez point de datte,
rompez le jeûne avec de l’eau, car l’eau est pure», rapportent
at-Tirmidhi (Sunan) et Abou Dawoud (Kitab az-zakat).
Plus profondément encore, pour l’Envoyé de Dieu, il n’est de meilleur
jeûne que «le jeûne du cœur» : l’abstinence est un acte de foi total,
qui impose des restrictions au corps pour mieux purifier l’âme.
D’ailleurs, lorsqu’à la Fin des temps une famine s’abattra sur les
hommes, le croyant n’en souffrira pas, sa nourriture, son viatique,
étant le tasbîh : non pas de la matière, mais des mots, des mots par lesquels l’on rend gloire à Dieu, la formule soubhan Allâh répétée
à l’envi. Troisième pilier de l’islam, le jeûne du mois de Ramadan est
un acte d’adoration qui jouit d’un statut particulier. Son mérite est
grand auprès de Dieu, au point de faire l’objet d’un hadith qodsi,
c’est-à-dire d’un hadith inspiré par Dieu à Son Prophète, qui l’a
formulé avec ses propres mots : «[…] Pour Moi, mon serviteur a renoncé à
se nourrir, à boire, comme il a renoncé aux plaisirs [qui flattent ses
sens]. A Moi appartient le jeûne, et par Moi sont récompensés ceux qui
s’y soumettent. Chacune de leurs bonnes actions [hasanât] en
vaudront dix». Dans Sa grande miséricorde, Dieu a veillé à ce que ses
créatures puissent au mieux s’acquitter de leurs obligations, et se
détacher de la pesanteur matérielle en renonçant aux tentations,
inlassablement inspirées par Iblis le Malin. Un hadith rapporté par
Boukhari indique en effet que «quand vient le mois de Ramadan, les
portes du Paradis sont grandes ouvertes, les portes de l’Enfer,
solidement verrouillées et les démons, soigneusement enchaînés»…
Ainsi l’homme peut-il s’élever, symboliquement, au rang de ces êtres
de lumière que sont les anges. Grâce à cette école de la piété, du don
et de la maîtrise de soi qu’est Ramadan, le musulman tend à devenir pur
esprit, à dépasser son infériorité ontologique, lui qui a été créé «d’un
extrait d’argile» (Coran, XXIII : 12), et à se rapprocher de
ces êtres purs, créés à partir du feu, absolus serviteur de Dieu
Tout-Puissant. Le croyant y parvient en subjuguant, en dépassant les
sollicitations de ce corps qui le retenait arrimé au monde ici-bas, à
son argile originelle : il ne mange pas, ne boit pas, et ne cède à
aucune passion. Il veille au contraire à chasser de son cœur toute
pensée malsaine. Il prie, il médite : il glorifie Dieu, vers Lequel tout
son être s’élève alors.
Article publié sur Zaman France (15 juillet 2013).
Mots clés : Ramadan, jeune, ascèse, élévation, purification, Islam des mondes.
«Pour Moi, mon serviteur a renoncé à se nourrir»
De l’argile humain à la lumière angélique
Article publié sur Zaman France (15 juillet 2013).
Mots clés : Ramadan, jeune, ascèse, élévation, purification, Islam des mondes.
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