par Seyfeddine Ben Mansour
Un ancien député israélien, le druze Said Nafa, a été reconnu coupable le 6 avril dernier d’intelligence avec l’ennemi.
Les Druzes sont aujourd’hui 1 700 000 en Syrie, 500 000 au Liban, 118 000 en Israël et 100 000 dans le reste du monde.
Loyaux vis-à-vis de l’Etat hébreu, leur position
n’en tranche que davantage avec celle de leurs frères du Liban. Kamal
Joumblatt, le leader charismatique de la communauté druze libanaise,
était en effet un grand défenseur de la cause palestinienne. Son fils
Walid, qui lui succède en 1977, s’alliera aux Syriens.
On analyse généralement ce genre de grand écart
idéologico-politique d’un point de vue religieux. Un précepte
commanderait aux Druzes, minorité professant un islam hétérodoxe, de
dissimuler leurs croyances et de toujours faire allégeance au pouvoir du
moment.
Un schisme dans le schisme
Issue de l’ismaélisme, un courant minoritaire de l’islam chiite, la religion druze est en effet un schisme dans le schisme.
Sa doctrine a été formalisée en Egypte au début du XIe siècle sous le califat chiite des Fatimides.
Cette formalisation est le fait de deux ismaéliens
: le Persan Hamza Ibn Ali Ibn Ahmad et le Turc Muhammad Ibn Isma‘il
Nashtakin ad-Darazi. Tous deux ont officié sous le règne du calife
fatimide al-Hakim bi-Amr Allah (996-1021).
Guide (imâm) infaillible, dont l’autorité doctrinale fait loi, al-Hakim était al-‘Aql al-fa‘‘âl, «l’Intelligence agissante», sommet de la hiérarchie ismaélienne.
Dans les faits, c’était un prince excentrique dont
les interprétations de la loi ne l’étaient pas moins. Un homme qui,
vers la fin de sa vie, a voulu être considéré comme l’incarnation de
Dieu même.
Certains de ses sujets et fidèles étaient enclins à le considérer comme tel. Parmi eux, Hamza et ad-Darazi.
Pour le second, l’Imâm al-Hakim, qui représente le principe du ta’wîl (vérité ésotérique, allégorique, profonde), est supérieur au Prophète Muhammad, qui représente le principe du tanzîl (vérité exotérique, littérale, superficielle).
Plus encore, al-Hakim serait l’incarnation d’al-‘Aql al-kullî,
de «l’Intelligence cosmique», qui ne saurait être autre que divine.
Hamza parachèvera l’œuvre dogmatique en présentant al-Hakim comme le maqâm
de Dieu, le lieu de Sa présence. Dès lors, ce n’est qu’à travers la
connaissance d’al-Hakim/Dieu que l’homme pourra accéder à la
purification...
L’unité des êtres réside en Dieu
Malgré un appareil conceptuel largement ismaélien, la doctrine ainsi formalisée se pose en religion autonome, distincte à la fois du tanzîl sunnite et du ta’wîl ismaélien.
Une religion que les Druzes posent comme étant un monothéisme. Ils s’appellent d’ailleurs eux-mêmes Muwahhidûn, c’est-à-dire «Unitariens».
Néanmoins, là où l’unicité de Dieu (tawhîd) procède, dans l’islam orthodoxe, qu’il soit sunnite ou chiite, d’une profession de foi (la shahâda),
elle est dans le druzisme l’aboutissement d’un cheminement. Un
cheminement qui conduit à une connaissance intime, selon laquelle
l’unité des êtres réside en Dieu.
Cette connaissance est transmise rituellement.
Ainsi chaque Druze devient le dépositaire d’une vérité qui ne doit pas
être divulguée hors de la communauté.
Car sur le plan social, l’appartenance
confessionnelle et l’appartenance identitaire étant pratiquement
confondues, il faut être Druze – né de père et de mère druzes – pour
être en mesure de suivre la voie du tawhîd.
Cette exclusivité tient à l’alliance qui aurait
été passée entre chaque Druze et Dieu lui-même, lorsque, pour la
dernière fois, Il se serait manifesté dans la réalité historique. Il
aurait alors pris la forme d’al-Hakim. C’était au XIe siècle, avant que ne «se referment les portes de la religion»…
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