par Seyfeddine Ben Mansour
Jusqu’à
présent considérés par le Code civil comme des «biens meubles», les
animaux sont désormais des «êtres vivants doués de sensibilité», la
commission des Lois de l’Assemblée nationale leur ayant reconnu ce
statut le 15 avril dernier.
En islam, de même que toutes les créatures adorent
Dieu, chacune dans sa propre langue – de la prière de l’orant au parfum
de la fleur en passant par le bourdonnement de l’abeille –, la
miséricorde divine s’étend à l’ensemble la Création. Animaux compris,
donc.
Mais plus encore, Dieu exige de l’homme, qui
occupe le sommet de cette même Création, qu’il traite avec bonté et
compassion les créatures qui lui sont inférieures, et qui souvent
dépendent de lui.
Nier ce droit des animaux peut en effet conduire
aux flammes éternelles, comme le souligne un hadith rapporté par
al-Boukhari (III/1550) : «Une femme avait martyrisé une chatte en
l’enfermant, la laissant mourir [de faim] : elle alla en Enfer […].»
La compassion pour l'animal
Nombreux sont les hadiths qui se rapportent aux devoirs de l’homme en la matière. Ils dessinent schématiquement les grands principes suivants : ne pas abuser des animaux, notamment en portant atteinte à leur dignité (les combats d’animaux sont ainsi proscrits), mais au contraire les traiter avec bonté ; ne mettre fin à la vie d’un animal qu’en cas de nécessité (nourriture, notamment) ; et dans ce dernier cas, le faire de manière rituelle, c’est-à-dire de manière digne et en limitant sa souffrance.
L’islam ne s’est d’ailleurs pas contenté de
prescrire la compassion envers les animaux : il en a fait une des voies
qui conduisent au Paradis. Citant l’exemple d’un homme à qui Dieu avait
pardonné ses péchés pour avoir abreuvé un chien terrassé par la soif, le
Prophète a souligné qu’«il y a une récompense pour le bien fait à tout
être doué de sensibilité» (al-Boukhari, V/2238).
Plus d’une douzaine d’espèces animales sont
mentionnées dans le Coran. Cinq d’entre elles donnent d’ailleurs leur
nom à des sourates : la Vache (II), l’Abeille (XVI), la Fourmi (XXVIII),
l’Araignée (XXIX) et l’Eléphant (CV).
L'émir des abeilles
Au-delà de la prise en compte de l’ensemble du règne animal, à travers le spectre qui va symboliquement du moucheron à l’éléphant, il s’agit de convier l’être humain à une méditation (XXIII:21) éminemment morale.
Et ce, en commençant par ce constat qu’il n’est
«nulle bête rampant sur terre, nul oiseau volant de ses ailes, qui ne
vive en société à l’instar de vous-mêmes » (VI:38).
Ainsi les abeilles, à qui Dieu a révélé «Prenez
des demeures dans les montagnes, dans les arbres et dans les treillages
que les hommes érigent. Butinez ensuite de toutes les fleurs et suivez
en toute humilité les voies de votre Seigneur !» (XVI:68-69). Dans l’une
de leurs Epîtres, les Frères sincères (Ikhwân as-Safâ’, des auteurs ismaélites du Xe siècle), observateurs mystiques du petit insecte, détaillent les enseignements qu’ils tirent des versets divins.
Architectes consommées, les abeilles sont aussi
des économes avisées, qui évitent le moindre gaspillage dans la gestion
de leurs provisions. Leur organisation politique est elle-même pleine de
sagesse : à l’intérieur de la ruche, chacun exerce une fonction
déterminée et l’émir gouverne l’ensemble dans l’intérêt de la
communauté. Il n’y a pas de jalousie, ni de discorde, car les abeilles
sont dotées d’une nature foncièrement bonne et d’une disposition innée à
faire le bien. Elles sont en outre très pieuses : conscientes des
nombreux bienfaits que le Créateur leur a octroyés, elles Le louent jour
et nuit. Qu’il est triste dès lors de constater combien l’homme est
ingrat ! Car il n’hésite pas, en effet, à les tuer, oubliant que la
conduite de ses petites sœurs ailées lui fournit un exemple ô combien
salutaire…
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