par Seyfeddine Ben Mansour
Le 5 août dernier, l’émission dominicale «Lumières d’Islam» sur
France 2 était consacrée à l’éminent érudit musulman Muhammad
Hamidullah. Décédé en 2002 à Jacksonville, en Floride, à l’âge de 95
ans, c’est un intellectuel connu tant en Europe et en Amérique du Nord
que dans le sous-continent indien. Il aura ainsi marqué de son empreinte
l’islam d’Occident, et particulièrement l’islam de France, dont il a
été l’un des initiateurs. On lui doit notamment la création du premier
Centre culturel islamique en 1952, et dix ans plus tard, celle de
l’AEIF, l’Association des étudiants islamiques de France. Sa traduction
du Coran en français, la première du genre due à un musulman (1959), est
une référence. Elle est de fait la plus utilisée en France et plus
généralement dans le monde francophone. On lui doit également deux
autres traductions du texte coranique, l’une en anglais, l’autre en
allemand. Il est ainsi la seule personne à avoir jamais traduit le Coran
dans trois langues. Le professeur Hamidullah publiait d’ailleurs, de
manière quasi indifférente, dans l’une de ces trois langues, mais aussi
en arabe, turc, persan ou ourdou.
La conscience de l’unité culturelle de l’islam
Il
connaissait au total 22 idiomes, dont le thaï, dont il commença
l’apprentissage à l’âge de 84 ans. Mais surtout, parce qu’il maîtrisait
les trois langues majeures de l’islam : l’arabe, le persan, et le turc,
il avait l’insigne privilège de pouvoir accéder directement à l’ensemble
du savoir d’islam. Sa conscience de l’unité profonde de la culture
islamique était ainsi nourrie de ses lectures — dans le texte — des
œuvres d’Ibn ‘Arabî, Rûmî, al-Birûnî, Abou Hanifa, as-Sarakhsî ou Yunus
Emre. Doué d’une capacité de travail extraordinaire (jusqu’à quinze
heures par jour), il est l’auteur de plus d’une centaine d’ouvrages et
d’environ 2.000 articles. Ses publications couvrent un large éventail de
disciplines islamiques dont le droit musulman (fiqh), l’Histoire de l’islam et les sciences du hadith, avec notamment une traduction du Sahîh
de Boukhari qui fait autorité. Il est par ailleurs l’auteur d’une
biographie du Prophète, mais aussi de monographies dans des domaines
aussi divers que l’épigraphie arabe ou la grammaire comparée du français
et de l’allemand. On lui doit enfin d’avoir exhumé quantité de
manuscrits islamiques aussi rares que d’un grand intérêt scientifique,
manuscrits dont il a assuré l’édition critique et la traduction, ainsi
la Sahîfa de Hammâm Ibn Munabbah, le plus ancien manuscrit de
hadiths découvert à ce jour. Pour autant, l’éminent professeur n’a pas
négligé le grand public : son Introduction à l’islam, publiée
en 1957 et plusieurs fois rééditée depuis, a été traduite en 22 langues.
Né en 1908 à Hyderâbâd, dans le sud de l’Inde, au sein d’une famille de
savants de lointaine ascendance arabe, Muhammad Hamidullah a étudié les
sciences islamiques à la Jâmi’a Nidhâmiyya, l’équivalent indien de
l’université d’al-Azhar au Caire. Titulaire d’un diplôme en droit
musulman international de l’université d’Osmania en Inde, il poursuivra
ses études en Allemagne où il obtient en 1932 un doctorat en philosophie
à l’université de Bonn. Puis en France où il obtient trois ans plus
tard un doctorat en lettres à la Sorbonne. Exilé en France après
l’invasion indienne de sa ville en 1948, il sera de 1954 à 1978
chercheur au CNRS. Il assurera en parallèle ses enseignements d’histoire
de l’islam à l’université d’Ankara et à l’université Atatürk d’Erzurum.
Parmi ses étudiants, on compte notamment le professeur Ekmeleddin
Ihsanoglu, l’actuel secrétaire général de l’Organisation de la
conférence islamique.
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