par Seyfeddine Ben Mansour
Ce 8 mars, le monde célèbre comme chaque année la Journée internationale de la femme. L’occasion, traditionnellement, de fêter les victoires et les avancées sur le chemin de l’égalité. L’occasion, aussi, de redécouvrir certaines destinées exceptionnelles, comme celle de Shajarat ad-Dorr, reine d’Egypte, qui vainquit le roi Saint-Louis et protectrice de l’islam.
Partenaire pour les affaires de l’Etat
La dépouille de la sultane repose aujourd’hui dans un mausolée attenant à l’une des institutions éducatives (medersas)
qu’elle avait créées. A l’intérieur, sous le dôme, une niche décorée de
mosaïques représente un arbre orné de feuilles en émail, Shajarat ad-Dorr signifiant
«Forêt de perles»… Sa jeunesse a pourtant été des plus humbles : c’est
en tant qu’esclave que cette Turque issue du petit peuple arrive au
Caire. Elle est destinée à al-Salih, le futur sultan ayyoubide d’Egypte
(1240-1249) et de Syrie (1245-1249). Subjugué par sa beauté et son
intelligence, il concevra pour sa concubine une passion exclusive. De
favorite, elle devient très vite son unique épouse. Mais aussi sa
partenaire pour les affaires de l’Etat : il la consultait au même titre
que le général Fakhr ad-Din, son second, et commandant en chef des
armées. A son fils et héritier du trône Touran Shah, il avait ordonné de
faire de sa belle-mère son conseiller en chef. Le XIIIe
siècle est en effet une période particulièrement critique pour l’islam.
Menacé à l’Est par les Mongols – la Perse, le Khorassan, l’Afghanistan
et l’Irak sont en ruines –, il l’est également à l’Ouest par les Croisés
qui, chassés de Palestine par Saladin se sont rabattus sur l’Espagne où
ils ont contribué à réduire la présence musulmane à peau de chagrin.
Ils s’apprêtent maintenant à lancer la VIIe Croisade, et à
attaquer, depuis Chypre, le nord de l’Egypte ou Damas, sous la conduite
de Louis IX, roi de France (le fameux Saint-Louis).
Elle garde secrète la mort du sultan
C’est en cette année 1249 que meurt al-Salih. Avec le commandant en
chef des armées Fakhr ad-Din et un autre dignitaire mamelouk, Shajarat
ad-Dorr gère la situation de crise, notamment en gardant secrète la mort
du sultan. La nouvelle aurait eu en effet des conséquences désastreuses
sur le moral des troupes. Elle officialise ses propres décisions à
travers des décrets royaux dont elle a contrefait la signature, dans
l’attente du retour de l’héritier du trône. Arrivé trois mois plus tard
de Hasankeyf, en Anatolie, Touran Shah, le nouveau sultan, peine à
maîtriser la situation, ‒ avant d’échouer lamentablement face aux
Croisés, qui occupent Damiette au nord du pays. Il est assassiné par les
généraux et la garde mamelouke de son défunt père. Ces derniers nomment
alors le Turkmène «lzz ad-Din Aybak» commandant en chef des armées et
la Turque Shajarat ad-Dorr, sultane. Le seul précédent connu est
l’accession de Radiyya au trône de Delhi dans l’Inde musulmane
(1236-1240), qui, elle aussi, préservera son pays de l’occupation
étrangère. Sous la conduite de Shajarat ad-Dorr, Saint-Louis et la
plupart de ses soldats seront faits prisonniers, puis libérés contre
rançon, issue pitoyable qui signe la fin de la VIIe Croisade.
Bien que le pouvoir califal à Bagdad n’ait pu s’accommoder d’une femme
chef d’Etat, Shajarat ad-Dorr reconnaissait la suzeraineté abbasside,
comme en témoigne l’inscription gravée sur la monnaie qu’elle a fait
frapper, et reprise chaque semaine par les imams d’al-Azhar, qui, en son
nom, prononçaient le sermon du vendredi : «Dieu protège la sultane,
reine des musulmans, protectrice du monde et de la religion, servante du
calife al-Musta‘sim, épouse de [feu] le sultan as-Salih»…
Article publié sur Zaman France (08 mars 2013).
Mots clés : Journée internationale de la femme, Shajarat ad-Dorr, Égypte, ottoman, Turquie, Croisade, sultan, Roi Saint-Louis, Islam des mondes.
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