par Seyfeddine Ben Mansour
Le
28 mai dernier, la Fête du jeu a été organisée à Nantes, dans le cadre
du Grand projet de ville. Elle était organisée entre autres par l’Action
catholique enfant, les Scouts et guides de France et les Scouts
musulmans de France via leur unité marine nantaise. Cette organisation
musulmane de France est récente ; elle a été fondée en 1990.
Jusqu’alors, les scouts français de confession musulmane appartenaient
le plus souvent à des mouvements catholiques, à l’instar des Scouts et
guides de France, au sein duquel beaucoup ont pu être accompagnés dans
l’effort de développement de leur vie spirituelle. La répartition en
quatre tranches d’âge est d’ailleurs inspirée du mouvement catholique,
avec les Voyageurs et les Voyageuses (8-11 ans), les Éclaireurs et les
Éclaireuses (11-14 ans) et les Pionniers et les Pionnières (14-17 ans),
et enfin les Compagnons et les Compagnonnes (17-21 ans). Le programme
pour les trois premières tranches d’âge est articulé autour d’une
symbolique à sept axes conçue sur le modèle des 7 prophètes-jalons de
l’histoire de l’Humanité : Adam, Noé, Abraham, Moïse, Salomon, Jésus,
Muhammad, la branche des Compagnons marquant l’accomplissement du
parcours scout musulman de France. Si le scoutisme musulman de France
est récent, le mouvement scout en islam, al-haraka al-kashafiyya,
est ancien. Il naît en Syrie en 1912, soit à peine cinq ans après la
création en 1907 par le général Lord Robert Baden-Powell, à Brownsea, en
Angleterre, de ce mouvement de jeunesse appelé «scoutisme» (de l’ancien
français escoute, «éclaireur») et qui repose sur
l’apprentissage de valeurs fortes puisées dans l’éthique religieuse : la
solidarité, l’entraide et le respect, notamment. Les jeunes scouts font
ainsi le serment de «servir Dieu et la patrie».
Concrétiser l’idéal arabe d’unité
Cette éthique sera déclinée différemment selon les pays et les époques.
Elle est fonction de l’Histoire, qu’elle traduit, mais qu’elle
contribue également, fût-ce modestement, à façonner : le scoutisme
refusera ainsi, dans l’entre-deux-guerres, de reconnaître les mouvements
de jeunesse fascistes italiens et soutiendra le scoutisme espagnol
clandestin. Dans le monde musulman, le scoutisme naît dans le cadre du
Réformisme (al-Islâh) qui naît à la fin du XIXe siècle et se
prolonge jusqu’au premier tiers du XXe siècle. Il s’agit de sortir le
monde musulman de la torpeur qui a conduit à sa décadence. L’évolution
était conçue comme nécessitant des réformes tous azimuts, dont notamment
celles du système judiciaire et de l’éducation, mais aussi la diffusion
des méthodes modernes d’animation, au nombre desquelles les clubs
artistiques et sportifs et le scoutisme. Pour les mouvements scouts
arabes qui se réunissent à Bloudan en Syrie en 1938, il s’agit en outre
de concrétiser le nouvel idéal arabe d’unité, élargissant le concept
scout de patrie par le biais de la transposition du concept islamique de
Umma («Communauté [de croyants]») : al-Umma al-‘arabiyya,
«la Nation arabe». Un demi-siècle plus tard, le scoutisme musulman de
France naît d’autres besoins, et d’autres exigences : il procède d’un
effort de socialisation dirigé vers la jeunesse (ici aussi, au même
titre que certaines activités sportives ou éducatives). Il assume au
sein de populations souvent marginalisées une fonction de stabilisation,
de cohésion sociale, et, au niveau individuel, une fonction de
préservation. L’enracinement dans sa tradition spirituelle et les
activités menées dans le cadre du groupe et dans le but de servir la
France permettent de dépasser les clivages, et, pour beaucoup, d’éviter
la déviance (échec scolaire et délinquance) et de se réconcilier avec
soi-même.
Mots clés : scoutisme, fete du jeu, scouts musulmans, clivages sociaux, nationalisme arabe, Islam des mondes.
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