par Seyfeddine Ben Mansour
Du
7 au 9 mars derniers, sous l’égide de l’ONU, des «pour parlers
informels» sur l’avenir du Sahara occidental ont réuni à Malte des
représentants du Maroc et du Front Polisario. Plus de trois décennies
après le départ des Espagnols en 1976, l’ancienne colonie n’a toujours
pas de statut juridique définitif. Selon la classification de l'ONU, il
s’agit d’un «territoire non autonome». Malgré des avancées formelles, la
situation est en effet toujours bloquée : le royaume chérifien, qui
considère ce territoire comme marocain, n’a fait que réitérer sa
proposition d’un plan d’autonomie ; de son côté le Front Polisario, qui a
proclamé le 27 février 1976 la «République arabe sahraouie
démocratique», continue de réclamer l’indépendance, appelant à
l’instauration d’un référendum d’autodétermination. Quels que soient les
arguments des uns et des autres, l’Histoire lie les Sahraouis au Maroc
plutôt qu’elle ne les sépare. Et cette histoire est à l’avantage de ce
peuple nomade qui régna ainsi du Sénégal à l’Espagne, pour la plus
grande gloire du Maroc.
L'islam, lien entre le Nord et le Sud du Sahara
Le Sahara a longtemps été une barrière, climatique
et culturelle, entre le Nil, l’Afrique du Nord et le Sahel. Chaque
ensemble devait ainsi développer des caractères spécifiques. C’est
l’islam, et plus encore le commerce qu’il induira, qui contribueront à
rapprocher les différentes aires culturelles. La pénétration arabe le
long des pistes sahariennes est très précoce : la première tentative du
Maroc vers le fleuve Sénégal date de 734-735. Ces pistes allaient vite
devenir des axes de pénétration humaine, commerciale, intellectuelle et
religieuse. C’est dans cette région que nomadisaient les Lemta, tribu
berbère Sinhâja, apparentée aux Touaregs, et ancêtre des Sahraouis
(aujourd’hui arabophones). Les Lemta, islamisés depuis deux siècles, ne
l’étaient qu’assez superficiellement. Aussi, vers 1035, à l’invitation
de leur chef, Abû Bakr Ibn ‘Umar, arriva parmi eux le prédicateur
malékite ‘Abd Allâh Ibn Yâsîn. Avec une poignée de fidèles, il fondera
un ribât (sorte de couvent militaire), à l’origine d’une communauté
religieuse qui, l’épée à la main, allait essaimer vers le nord (versant
maroco-hispanique), comme vers l’est (versant berbéro-soudanais).
A la conquête de l'Espagne depuis le lointain Sénégal
Les Almoravides (al-Murâbitûn, «ceux du Ribât»)
allaient en effet, dans la première moitié du XIe siècle, se lancer dans
une immense conquête politico-religieuse. Elle sauvera le Maroc, qui
était alors livré à l’anarchie, et qui semblait condamné au
morcellement. Après avoir tout d’abord soumis les pays situés sur l’axe
commercial lié à l'or du Ghana (sud du Haut-Atlas), les bandes
sahariennes déferlent sur le centre, l’est et le nord du Maroc : tour à
tour, Fès, Tanger, le Rif, Oran, Ténès tombent entre leurs mains.
Plutôt «être chamelier au Maghreb que porcher en Castille»
En 1062, Yûsuf Ibn Tashfîn, qui a succédé à Abû
Bakr Ibn ‘Umar et ‘Abd Allâh Ibn Yâsîn, fonde Marrakech, qui sera
désormais la capitale de l’empire. En moins de vingt ans, Ibn Tashfîn
devient seul maître du Maghrib extrême et du Maghrib central jusqu’à
Alger, tandis qu’au sud, le royaume s’étend jusqu’au fleuve Sénégal. A
ces territoires déjà si vastes, allait s’ajouter bientôt la moitié de
l’Espagne. En effet, menacés par la reconquête chrétienne et d’autant
plus faibles qu’ils étaient divisés en petits États (les royaumes de
Taïfas), les princes musulmans de la péninsule ont dû se résoudre à
faire appel aux «barbares du désert». Non sans répugnance, le raffiné
al-Mu’tamid, roi de Séville, sollicite en 1084 l’aide des Almoravides : à
tout prendre, il préférait en effet «être chamelier au Maghreb que
porcher en Castille»… Yûsuf Ibn Tashfîn arrêtera l’invasion chrétienne à
Zallâqa (Sagrajas) en 1086, puis dépossédera à son profit l’ensemble
des petits souverains musulmans. Ainsi, depuis le Sahara occidental, et
par delà le détroit de Gibraltar, le Maroc allait-il se prolonger
jusqu’à l’Ebre, en pays catalan, et jusqu’aux Baléares…
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