par Seyfeddine Ben Mansour
Environ 300.000 apatrides kurdes vivent
dans la province syrienne d’Al-Hasaka. Ils devraient à terme faire
l’objet d’une naturalisation, afin de «renforcer l'unité nationale de la
Syrie», selon le président Bachar Al-Assad, qui a signé, le 31 mars
dernier, un décret instituant une commission ad hoc.
Nation sans Etat, les Kurdes vivent répartis entre
plusieurs pays, essentiellement la Turquie, la Syrie, l'Irak et l'Iran.
Séparés par des frontières sur le plan géographique, les Kurdes sont
également compartimentés sur le plan religieux.
Des Kurdes juifs, chrétiens, sunnites, chiites...
Ainsi les Kurdes juifs, issus pour partie des Juifs exilés au Kurdistan après la conquête assyrienne du VIe
av. J.-C., appartiennent-ils aujourd’hui à la société israélienne. Ils
étaient environ 25.000 dans les années 1950. Le christianisme, important
jusqu’au Ve siècle, ne concerne plus que 1 % de la population kurde.
L’islam, qui gagne le Kurdistan dès le premier siècle de l’Hégire, devient la religion majoritaire vers le Xe-XIe
siècles. Quatre Kurdes sur cinq sont aujourd’hui sunnites. Il subsiste
néanmoins, à cheval entre l’Iran et l’Irak, une petite minorité chiite,
les Kurdes Faylis. Les sunnites sont de rite shâfi'ite. Le shâfi'isme
est une école juridique qui récuse l'opinion personnelle (ra'y) au profit du consensus des ulémas à une époque donnée (ijmâ').
Une grande tradition soufie
Face à cet islam savant, se développera un islam
populaire qui, comme ailleurs, prendra une forme mystique. La première
confrérie soufie à s'implanter est aussi la plus ancienne. La Qâdiriyya a
été en effet fondée au XIIe siècle, par le Kurde Abd al-Qâdir al-Jilânî. L’autre confrérie, celle des Naqshabandîs, se répandra bien plus tard.
Elle a été introduite vers 1808 par un Kurde
revenu d’un voyage initiatique en Inde, Mawlânâ Khaled. A côté de ces
formes traditionnelles du sunnisme et du chiisme, il existe des
religions et des confréries religieuses qui, si elles dérivent toutes de
l’islam, n’y appartiennent plus.
Alévis, Yazedis, et islams hétérodoxes
Ainsi la yazîdiyya, religion syncrétique mêlant,
sur une base islamique, des éléments zoroastriens, manichéens, juifs et
chrétiens. Les Yazîdîs auraient été engendrés par Adam seul, sans Eve.
Ils croient en un seul Dieu qui a créé le monde, mais l’a confié à sept
archanges, dont le maître est l’Ange Paon, dans lequel il est difficile
de ne pas voir Iblis.
Selon certains Yazîdis en effet, le Diable a été
pardonné et se trouve à nouveau proche de Dieu. Autre religion
syncrétique, l’Ahl-i Haqq, évolution originale du chiisme dans laquelle
Moïse, Elie, Jésus et David sont invoqués aux côtés de ‘Alî. Au centre
du dogme, les sept manifestations successives de Dieu et la
réincarnation. Issus également du chiisme, l’alévisme et la nusayriyya,
ainsi que l’ordre soufi bektâshî.
Dans les trois systèmes de croyance, on compte
comme intermédiaires entre Dieu et les hommes cinq Archanges, douze
Imams et quarante Prophètes. Les Alévis n’ont pas de mosquée. Chaque
année, ils observent douze jours de jeûne en l'honneur des douze Imams,
et trois autres jours avant la fête de Khidhr Elias, souvent confondue
avec la saint Serge. Ils fêtent Pâques avec les Arméniens.
Islam nusayri : trinité et abolition des cinq piliers
Pour les Nusayrîs, seule branche du chiisme extrémiste (ghulû)
qui ait survécu jusqu’à aujourd’hui, les cinq piliers de l’islam sont
abolis. Au centre du dogme, la réincarnation, mais aussi une trinité
constituée de Muhammad, Ali et Salmân al-Fârisî (compagnon du Prophète),
conçus tous trois comme des incarnations de Dieu.
Enfin, les Bektâshîs, — qui ne reconnaissent pas davantage les rites musulmans, salât
(prière) y compris — croient en une autre trinité, celle constituée de
‘Alî, centre de leur culte, auquel sont associés Dieu et Muhammad.
Mots clés : kurde, Kurdistan, yazidi, christianisme, Islam, judaïsme, chiisme, sunnisme, Naqshabandi, qadiri, alévi, bektashi, nusayri, Islam des mondes.

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