lundi 7 juillet 2014

La majestueuse architecture de Mimar Sinan

par Seyfeddine Ben Mansour

Après trois ans de restauration, la mosquée Süleymaniye est à nouveau ouverte aux fidèles. Trois années d’une expérience scientifique et artistique exceptionnelle qui aura permis à l’équipe de restauration de rendre la mosquée capable de résister à un séisme d'une magnitude de 8 sur l’échelle de Richter, mais aussi de comprendre en quoi la structure particulière du dôme conçu par l’architecte Sinan (1489-1578) explique l’extraordinaire acoustique de l’édifice.

La mosquée Süleymaniye compte parmi les chefs-d’œuvre de Mimar Sinan. Celui qui fut le plus grand parmi les initiateurs de l’art ottoman classique fut aussi, sans conteste, l’architecte le plus fécond qu’a connu l’Empire. Il a laissé une œuvre qui aujourd’hui encore impressionne tant par son étendue que par son génie.
Son œuvre est d’abord immense : 65 mosquées-cathédrales (jâmi), 49 mosquées de proximité (masjid), une cinquantaine de collèges (madrasa, dâr al-qurrâ, dâr al-hadîth), 7 écoles pour enfants (maktab), 17 cuisines publiques (‘imâra ), 3 hôpitaux (dâr al-shifâ’), 7 viaducs, 7 ponts, 27 palais (sarây), 18 caravansérails, 5 bâtiments pour le Trésor, 31 bains (hammâm) et 18 chapelles funéraires (türbe). Mais ce qui caractérise le mieux l’œuvre de Sinan, c’est cette synthèse géniale de la tradition architecturale du Proche-Orient ancien et de celle de Byzance qui donnera l’art ottoman tel qu’il s’exprime dans l’architecture des mosquées-cathédrales : cette volonté de non-pesanteur que traduit l’unité des supports et la régularité de l’éclairage sous un dôme central immense, cette majesté et cette élégance qui naissent du jeu subtil des coupoles et des minarets. Si la référence au modèle de Sainte-Sophie (Hagia Sofia) est constante — la structure organisée autour d’une coupole centrale —, Sinan aura néanmoins parfait son modèle byzantin sur le plan géométrique, guidé par un sens précis, original, de l’équilibre, qui insufflera calme et sérénité là où prévalait la seule atmosphère de mystère religieux.
D’origine grecque, Mimar Sinan avait été pris par le devshirme (enrôlement de jeunes garçons chrétiens pour le service de l’Empire) au cours du règne de Selim (1512-1520). Converti à l’islam, il participa comme ingénieur militaire à diverses campagnes, dont notamment celles de Belgrade, Rhodes et Mohács. On suppose que ces expéditions ont été pour le jeune janissaire l’occasion d’apprendre sa profession à travers la restauration et la construction de bâtiments militaires tels que des ponts et des citadelles. Dès 1529, lors du premier siège de Vienne, Sinan est nommé chef du corps des Ingénieurs. Il se rendra ensuite à Bagdad (1535) et, à son retour à Istanbul, c’est comme architecte en chef qu’il entre au service du palais impérial. Commence alors l’ère des grands projets. Les trois ensembles les plus importants (külliyes) qu’édifiera Sinân sont la Shehzade et la Süleymaniye à Istanbul, et la Selimiye à Edirne. Dans chaque cas, il choisira de travailler à partir du modèle qui était devenu habituel, à savoir la combinaison d’une vaste salle surmonté d’un dôme et d’une cour carrée ou rectangulaire. Les Ottomans avaient en effet abandonné depuis longtemps le type arabe de la mosquée à file de colonnes, la prise de Constantinople ayant imposé, pour réaliser des édifices à la mesure de la capitale, des solutions nouvelles. La Süleymaniye est ainsi un complexe ottoman unique, comprenant un ensemble de quelques 14 monuments répartis sur le site en pente autour de la mosquée. Bâtie sur une colline surplombant le port, la mosquée domine toujours la ligne d’horizon de la ville. Sinan a relevé le défi de Hagia Sofia, le plus vaste dôme d’Istanbul, en reproduisant son plan, tout en réussissant à dégager un vaste espace ininterrompu et lumineux à l’intérieur duquel les fidèles peuvent prier en rangs. Grâce à Sinan, l’architecture ottomane classique verra son influence rayonner au sein du monde islamique, au point d’atteindre des pays aussi éloignés que l’Inde.

Article publié sur Zaman France (25 novembre 2010).

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