jeudi 10 juillet 2014

Halal-casher : respecter l’animal pour préserver l’humain

par Seyfeddine Ben Mansour


Le 18 février dernier, la candidate frontiste Marine Lepen a déclaré de manière péremptoire que « l’ensemble de la viande distribuée en Ile-de-france [était] exclusivement halal ». L’affirmation a été démentie par le ministère de l’Agriculture et les professionnels du secteur qui ont ramené le chiffre à 2 %. Néanmoins, c’est un fait qu’une partie de la viande abattue en france selon l’un ou l’autre des rites abrahamiques est effectivement redirigée dans la fi lière classique sans que la chose ne soit indiquée au consommateur. Dans le cas de la filière casher, qui n’est absolument pas évoquée par la leader du fN, le déclassement est même « une question de survie économique », comme le rappelle le site Al Kanz, « les juifs ne consomm[a]nt pas les parties arrière de la carcasse d’une bête », qui ne sont pas casher. elles sont néanmoins halal. « Vous est permise la nourriture des Gens du Livre [i.e. des juifs et des chrétiens] » affirme le Coran (V:5), exception faite des animaux impurs, comme le porc, que les premiers chrétiens, qui étaient d’origine juive, ne consommaient pas. L’eglise éthiopienne orthodoxe, l’une des plus anciennes, de langue sémitique, a d’ailleurs conservé jusqu’à ce jour l’interdit de la consommation du porc, stipulé dans l’Ancien Testament (Lévitique 11:7). Né du judaïsme, le christianisme abandonnera néanmoins les règles nombreuses et complexes de la kashrût, qui entourent la préparation et la consommation de nourriture. Il s’agissait dans l’esprit de l’apôtre Paul, à l’origine de cette rupture, de favoriser la diffusion de la nouvelle religion dans un monde gréco-romain où ces rites sémitiques pouvaient être rédhibitoires. L’option sera entérinée par les apôtres Pierre et Jacques lors du concile de Jérusalem. Les interdits, tout en dépassant le strict cadre de l’alimentation, seront alors limités à l’essentiel, à savoir « s’abstenir des souillures des idoles, de l’impudicité, des animaux étouffés
et du sang » (Actes 15:20).

Le sang est porteur du « souffle de vie »
 
La mention de l’impudicité, sans rapport avec la nourriture, est liée au fait que l’ensemble de ces interdits serait un rappel des 7 Lois de Noé (Jubilés 7:21), impératifs moraux censés être valables pour toute l’humanité, destinés à délimiter la frontière entre animalité et humanité, barbarie et civilisation. C’est sans doute dans ce cadre qu’il faut comprendre le caractère halal des bêtes immolées par les Gens du Livre, qui adorent Dieu l’unique : elles ne sont pas immolées en offrande à une idole, et sont vidées de leur sang. Car étouffé, non égorgé, un animal reste rempli de son sang. Or ce dernier est principe de vie, porteur du « souffle de vie » (nafs en arabe, nefesh en hébreu), et donc sacré, interdit (harâm en arabe, qadôsh en hébreu, au sens de « séparé du monde », « mis à part par Dieu », comme dans al-Masjid al-Harâm, « la Mosquée Sacrée », celle de La Mecque). « Il vous est interdit [de consommer] la chair d’une bête morte, le sang, la viande de porc et ce sur quoi on a invoqué un autre que Dieu » (Coran II:173) : la bête morte, interdite également par le Lévitique (17:15), rabaisse l’humain au rang de charognard ; quant au porc, il est scatophage. Enfi n, l’abattage rituel (dhabîha en islam, shehita dans le judaïsme) vise également à limiter la souffrance de la bête. En tranchant d’un geste net la veine jugulaire, l’artère carotide, l’oesophage et la trachée, le cortex, siège nerveux de la douleur, cesse très rapidement de fonctionner, du fait du manque d’oxygène. Dhabîha et shehita témoignent ainsi, devant Dieu et les hommes, du respect de la dignité de l’animal, sans lequel il n’est pas de dignité humaine. 


Article publié sur Zaman France (05 mars 2012).

Mots clés : Île-de-France, Territoire du Nord, Marine Lepen, Al Kanz, Islam des mondes.

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