par Seyfeddine Ben Mansour
Le 18 février dernier, la candidate frontiste Marine Lepen a déclaré de
manière péremptoire que « l’ensemble de la viande distribuée en
Ile-de-france [était] exclusivement halal ». L’affirmation a été
démentie par le ministère de l’Agriculture et les professionnels du
secteur qui ont ramené le chiffre à 2 %. Néanmoins, c’est un fait qu’une
partie de la viande abattue en france selon l’un ou l’autre des rites
abrahamiques est effectivement redirigée dans la fi lière classique sans
que la chose ne soit indiquée au consommateur. Dans le cas de la
filière casher, qui n’est absolument pas évoquée par la leader du fN, le
déclassement est même « une question de survie économique », comme le
rappelle le site Al Kanz, « les juifs ne consomm[a]nt pas les parties
arrière de la carcasse d’une bête », qui ne sont pas casher. elles sont
néanmoins halal. « Vous est permise la nourriture des Gens du Livre [i.e.
des juifs et des chrétiens] » affirme le Coran (V:5), exception faite
des animaux impurs, comme le porc, que les premiers chrétiens, qui
étaient d’origine juive, ne consommaient pas. L’eglise éthiopienne
orthodoxe, l’une des plus anciennes, de langue sémitique, a d’ailleurs
conservé jusqu’à ce jour l’interdit de la consommation du porc, stipulé
dans l’Ancien Testament (Lévitique 11:7). Né du judaïsme, le christianisme abandonnera néanmoins les règles nombreuses et complexes de la kashrût,
qui entourent la préparation et la consommation de nourriture. Il
s’agissait dans l’esprit de l’apôtre Paul, à l’origine de cette rupture,
de favoriser la diffusion de la nouvelle religion dans un monde
gréco-romain où ces rites sémitiques pouvaient être rédhibitoires.
L’option sera entérinée par les apôtres Pierre et Jacques lors du
concile de Jérusalem. Les interdits, tout en dépassant le strict cadre
de l’alimentation, seront alors limités à l’essentiel, à savoir «
s’abstenir des souillures des idoles, de l’impudicité, des animaux
étouffés
et du sang » (Actes 15:20).
Le sang est porteur du « souffle de vie »
et du sang » (Actes 15:20).
Le sang est porteur du « souffle de vie »
La mention de l’impudicité, sans rapport avec la nourriture, est liée
au fait que l’ensemble de ces interdits serait un rappel des 7 Lois de
Noé (Jubilés 7:21), impératifs moraux censés être valables pour
toute l’humanité, destinés à délimiter la frontière entre animalité et
humanité, barbarie et civilisation. C’est sans doute dans ce cadre qu’il
faut comprendre le caractère halal des bêtes immolées par les Gens du
Livre, qui adorent Dieu l’unique : elles ne sont pas immolées en
offrande à une idole, et sont vidées de leur sang. Car étouffé, non
égorgé, un animal reste rempli de son sang. Or ce dernier est principe
de vie, porteur du « souffle de vie » (nafs en arabe, nefesh en hébreu), et donc sacré, interdit (harâm en arabe, qadôsh en hébreu, au sens de « séparé du monde », « mis à part par Dieu », comme dans al-Masjid al-Harâm,
« la Mosquée Sacrée », celle de La Mecque). « Il vous est interdit [de
consommer] la chair d’une bête morte, le sang, la viande de porc et ce
sur quoi on a invoqué un autre que Dieu » (Coran II:173) : la
bête morte, interdite également par le Lévitique (17:15), rabaisse
l’humain au rang de charognard ; quant au porc, il est scatophage. Enfi
n, l’abattage rituel (dhabîha en islam, shehita dans
le judaïsme) vise également à limiter la souffrance de la bête. En
tranchant d’un geste net la veine jugulaire, l’artère carotide,
l’oesophage et la trachée, le cortex, siège nerveux de la douleur, cesse
très rapidement de fonctionner, du fait du manque d’oxygène. Dhabîha et shehita témoignent ainsi, devant Dieu et les hommes, du respect de la dignité de l’animal, sans lequel il n’est pas de dignité humaine.
Mots clés : Île-de-France, Territoire du Nord, Marine Lepen, Al Kanz, Islam des mondes.
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