par Seyfeddine Ben Mansour
Le 31 janvier dernier, Mohamed El Baradei, appelait publiquement le
président Hosni Moubarak à démissionner. L’opposant politique dispose
aujourd’hui d’une légitimité qui la veille encore lui faisait défaut.
C’est en effet un dirigeant des Frères musulmans qui a annoncé que
Baradei avait été mandaté par les différentes forces d’oppositions pour
négocier avec le nouveau gouvernement égyptien. Seule force politique
d’opposition réellement organisée et puissante, les Frères musulmans se
placent donc d’emblée dans une logique démocratique.
Les prochaines semaines pourraient constituer un véritable tournant pour les Frères musulmans d’Égypte, et plus généralement pour le monde musulman. Fondée en 1928, l’Association des Frères musulmans est un mouvement transnational qui se qualifie de «musulman réformiste holique». Sous des appellations diverses, il constitue aujourd’hui de fait la plus importante forme d’opposition dans de nombreux pays arabes, dont notamment l’Égypte, la Syrie, la Jordanie, le Koweït et l’Algérie. En Palestine, ils ont conquis le pouvoir par les urnes (élections législatives remportées par le Hamas en 2006).
C’est dans un contexte d’agressions occidentales et de pertes de repères que naît l’Association des Frères musulmans. En 1928, l’Empire ottoman s’est effondré, et Atatürk, qui a aboli le califat, pratique une politique autoritaire d’occidentalisation. L’Egypte est sous domination britannique. La presque totalité du monde musulman est colonisée. La Palestine est en outre l’objet des convoitises sionistes. Un jeune instituteur, Hassan Al Banna, est convaincu de la nécessité d’une émancipation qui doit être culturelle pour pouvoir devenir politique. Il s’agit de lutter contre «l’emprise laïque occidentale et l’imitation aveugle du modèle européen» en retournant aux sources, en favorisant l’émergence d’un islam social. Les populations musulmanes doivent ainsi être réislamisées, mais de manière graduelle, à partir de l’individu. L’effort continu, à accomplir au niveau personnel (ou «grand jihâd») va de pair avec la conscience que l’islam en tant que foi est «mode de vie complet».
De 2.000 militants en 1933, l’organisation passe 40.000 un an plus tard, avant de dépasser les 200.000 en 1943. A la veille de la première guerre de libération de la Palestine (1948), les militants seront au nombre de 2.000.000. Ils rejoindront massivement les rangs des armées arabes. Cette montée en puissance inquiète le pouvoir monarchique égyptien. Le 8 décembre 1948, la dissolution des Frères musulmans est prononcée, suite à l’assassinat du chef du gouvernement par un jeune militant. Hassan El Banna réprouve publiquement les actes de violence autres que défensifs, il est néanmoins assassiné par le pouvoir le 12 février 1949. En 1957, c’est au tour de Nasser de craindre le pouvoir des Frères musulmans et d’interdire leur organisation. Pour la même raison, ils reçoivent le soutien des Etats-Unis et de l’Arabie séoudite, qui luttent contre l’établissement de régimes socialistes panarabistes. Dans les années 1970, ils seront de nouveau autorisés par Sadate, dans le but tactique de réduire le poids de l’extrême gauche. La signature du traité de paix avec Israël, perçu dans l’ensemble du monde arabe comme une trahison, vaudra à Sadate d’être assassiné en 1981 par une branche dissidente, la Gamâ’a islâmiyya. Brimée et très largement marginalisée sous le règne de Moubarak, à l’instar des autres partis, l’organisation des Frères musulmans évoluera néanmoins vers une conception démocratique, non-théocratique, du pouvoir. Le tournant se situe dans les années 1990, avec la publication des manifestes «L’indispensable démocratie», «Nos frères et compatriotes coptes» et «Le statut de la femme». De jeunes cadres voudront même en 1996 créer un parti moderne, le Wasat. Parmi les membres du comité fondateur de ce parti islamo-conservateur, figure un Copte protestant, Rafik Habib. Mais ce parti ne verra jamais le jour : le 13 mai 1996, le régime Moubarak fera en sorte que les fondateurs soient déférés devant la Haute cour militaire.
Article publié sur Zaman France (04 février 2011).Les prochaines semaines pourraient constituer un véritable tournant pour les Frères musulmans d’Égypte, et plus généralement pour le monde musulman. Fondée en 1928, l’Association des Frères musulmans est un mouvement transnational qui se qualifie de «musulman réformiste holique». Sous des appellations diverses, il constitue aujourd’hui de fait la plus importante forme d’opposition dans de nombreux pays arabes, dont notamment l’Égypte, la Syrie, la Jordanie, le Koweït et l’Algérie. En Palestine, ils ont conquis le pouvoir par les urnes (élections législatives remportées par le Hamas en 2006).
C’est dans un contexte d’agressions occidentales et de pertes de repères que naît l’Association des Frères musulmans. En 1928, l’Empire ottoman s’est effondré, et Atatürk, qui a aboli le califat, pratique une politique autoritaire d’occidentalisation. L’Egypte est sous domination britannique. La presque totalité du monde musulman est colonisée. La Palestine est en outre l’objet des convoitises sionistes. Un jeune instituteur, Hassan Al Banna, est convaincu de la nécessité d’une émancipation qui doit être culturelle pour pouvoir devenir politique. Il s’agit de lutter contre «l’emprise laïque occidentale et l’imitation aveugle du modèle européen» en retournant aux sources, en favorisant l’émergence d’un islam social. Les populations musulmanes doivent ainsi être réislamisées, mais de manière graduelle, à partir de l’individu. L’effort continu, à accomplir au niveau personnel (ou «grand jihâd») va de pair avec la conscience que l’islam en tant que foi est «mode de vie complet».
De 2.000 militants en 1933, l’organisation passe 40.000 un an plus tard, avant de dépasser les 200.000 en 1943. A la veille de la première guerre de libération de la Palestine (1948), les militants seront au nombre de 2.000.000. Ils rejoindront massivement les rangs des armées arabes. Cette montée en puissance inquiète le pouvoir monarchique égyptien. Le 8 décembre 1948, la dissolution des Frères musulmans est prononcée, suite à l’assassinat du chef du gouvernement par un jeune militant. Hassan El Banna réprouve publiquement les actes de violence autres que défensifs, il est néanmoins assassiné par le pouvoir le 12 février 1949. En 1957, c’est au tour de Nasser de craindre le pouvoir des Frères musulmans et d’interdire leur organisation. Pour la même raison, ils reçoivent le soutien des Etats-Unis et de l’Arabie séoudite, qui luttent contre l’établissement de régimes socialistes panarabistes. Dans les années 1970, ils seront de nouveau autorisés par Sadate, dans le but tactique de réduire le poids de l’extrême gauche. La signature du traité de paix avec Israël, perçu dans l’ensemble du monde arabe comme une trahison, vaudra à Sadate d’être assassiné en 1981 par une branche dissidente, la Gamâ’a islâmiyya. Brimée et très largement marginalisée sous le règne de Moubarak, à l’instar des autres partis, l’organisation des Frères musulmans évoluera néanmoins vers une conception démocratique, non-théocratique, du pouvoir. Le tournant se situe dans les années 1990, avec la publication des manifestes «L’indispensable démocratie», «Nos frères et compatriotes coptes» et «Le statut de la femme». De jeunes cadres voudront même en 1996 créer un parti moderne, le Wasat. Parmi les membres du comité fondateur de ce parti islamo-conservateur, figure un Copte protestant, Rafik Habib. Mais ce parti ne verra jamais le jour : le 13 mai 1996, le régime Moubarak fera en sorte que les fondateurs soient déférés devant la Haute cour militaire.
Mots clés : Islam des mondes.
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