par Seyfeddine Ben Mansour
Des commémorations ont eu lieu à Srebrenica, 15 ans après le massacre de
8000 musulmans bosniaques. Slaves comme leurs meurtriers, leur unique
tort était d’être musulmans. Il existe aujourd’hui 12 millions de
musulmans de souche européenne en Europe orientale, legs vivant de
l’ancien Empire Ottoman.
"Nous savons que tuer un seul être humain revient à tuer l’humanité
toute entière" a déclaré Recep Erdogan, faisant référence à un verset du
Coran. "Aujourd'hui, a-t-il ajouté, nous faisons nos adieux à nos
frères pour lesquels, depuis 15 ans, nulle pierre tombale n’avait été
posée […]". C’est par ces mots que le premier ministre turc, venu
assister aux commémorations, a rendu hommage le 11 juillet dernier aux
victimes du massacre de Srebrenica.
En 1995, les forces serbes bosniaques s’étaient emparées de l'enclave
musulmane de Srebrenica. Sous la direction de leur chef, Ratko Mladic,
inculpé depuis de génocide par le TPI pour l'ex-Yougoslavie, ils ont
massacré 8.000 musulmans bosniaques ; hommes, femmes et enfants. Comme
dans le cas des Juifs ashkénazes un demi siècle plus tôt, ce crime
contre l’humanité a visé une population autochtone non-chrétienne.
Turquie mise à part, il existe actuellement des communautés musulmanes
de souche européenne dans 11 Etats du continent : Albanie, Roumanie,
Grèce, Hongrie, Macédoine, Bulgarie, Croatie, Serbie, Bosnie-Herzégovine
et Kosovo. Ils représentent environ 12 millions d’individus. Il s’agit
pour l’essentiel de populations d’origine slave, illyrienne ou grecque,
et, dans une moindre mesure, turque ou tzigane. Leur présence remonte à
l’expansion des Turcs ottomans en Europe orientale à la fin du XIVe
siècle. C’est en Albanie, faiblement peuplée, qu’elle est la plus
intense et en Bulgarie, proche du cœur de l’Empire Ottoman et premier
pays conquis en Europe, qu’elle est la plus ancienne. C’est néanmoins
l’ex-Yougoslavie, qui, malgré son éloignement relatif, regroupe le plus
grand nombre de musulmans (près de 4 millions).
A l’origine, l’Islam européen s’est alimenté surtout des conversions
des classes sociales supérieures, soucieuses de conserver leur statut,
avant de s’étendre progressivement à l’ensemble de la population. La
conversion permettait en effet d’échapper au paiement de l’impôt auquel
étaient soumis les sujets non-musulmans de l’Empire, et, pour certains,
de profiter des avantages offerts par l’administration et l’armée
ottomanes. Par ailleurs, les transferts de paysans ou de soldats de
l’Anatolie vers l’Europe et les rafles de jeunes chrétiens recrutés dans
le corps des janissaires ont aussi contribué à l’islamisation. Enfin,
lors des guerres des XVIIe et XVIIIe siècles entre les Ottomans et les Autrichiens, des tribus albanaises ont été forcées à la conversion.
De nos jours, avec des populations comprenant respectivement 80 % et 90
% de musulmans, l’Albanie et le Kosovo sont, avec la Turquie, les seuls
Etats d’Europe qui soient à majorité musulmane. Dans les autres pays,
l’Islam autochtone représente une minorité plus ou moins importante :
Bosnie-Herzégovine (40 %), Macédoine (33.3 %), Bulgarie (12.2 %), Serbie
(3.2 %), Grèce (1,5 %), Croatie (0,4 %), Roumanie (0.3 %), Hongrie (0.2
%).
Il est à noter que la population musulmane de la Grèce a baissé de
manière significative en 1923, suite à un échange de population. En
application du traité de Lausanne signé entre la Grèce et la nouvelle
République turque, près de 500 000 musulmans de Grèce ont été échangés
contre 1,5 millions de chrétiens de Turquie.
Enfin, même lorsqu’ils sont majoritaires, les musulmans autochtones
d’Europe orientale ont un taux de fécondité supérieur à la moyenne
(l’Albanie est ainsi le pays le plus nataliste du continent). Sans doute
faut-il y voir la réaction de défense ou de survie de communautés
longtemps brimées et qui sentent aujourd’hui encore leur culture
menacée.
Mots clés : Empire Ottoman, Islam, Musulmans, Européens, Bosnie-Herzégovine, Macédoine, Bulgarie, Serbie, Grèce, Croatie, Roumanie, Hongrie, Albanie, Kosovo, Islam des mondes.

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