par Seyfeddine Ben Mansour
Selon les calculs de l’association algérienne d’astronomie Sirius, il
serait scientifiquement impossible que le croissant soit visible le 10
août. L’Algérie a néanmoins fait débuter ramadan le mercredi 11 août, à
l’instar d’un grand nombre de pays musulmans et occidentaux. Au Maroc et
à Oman, pourtant situés aux deux extrémités du monde arabe, il faudra
en revanche attendre le jeudi 12…La Turquie, le Liban, la Libye et l’Allemagne, qui s’en réfèrent au seul calcul astronomique, avaient annoncé bien à l’avance les dates de début et fin du ramadan : du 11 août au 10 septembre.
Chaque année, les mêmes disparités dans les dates et le mode de détermination du mois sacré s’observent au sein du monde musulman.
Si la grande majorité des croyants souhaiterait voir se réaliser l’unité symbolique du monde musulman au travers d’un ramadan défini au plan mondial, de nombreux facteurs s’y opposent de fait. Tout d’abord, l’islam ne dispose pas d’un clergé qui disposerait d’une autorité supranationale. L’Arabie saoudite elle-même, malgré son poids symbolique et l’influence du courant wahhabite, n’est jamais parvenue à s’imposer comme norme. Par ailleurs, Turquie et Sénégal exceptés, les Etats musulmans ne sont pas démocratiques et les muftis y sont souvent inféodés au pouvoir (ainsi les décalages récurrents entre le Maroc et l’Algérie relèvent-t-il davantage de la politique que de l’astronomie). Enfin, les interprétations divergent quant au mode de détermination à adopter : observation visuelle du croissant annonçant la nouvelle lune ou calcul astronomique. Ce dernier peut lui-même dépendre de facteurs idéologiques : ainsi, le Conseil du Fiqh d’Amérique du Nord avait-il d’abord fixé comme point de référence pour l’établissement du calendrier islamique la ligne de datation internationale (ou GMT), avant de s’aligner sur le Conseil Européen pour la Fatwa et la Recherche (CEFR) et de remplacer les coordonnées de Greenwich par celles de la Mecque. L’opposition entre les deux techniques n’est pas réductible à la simple opposition entre tradition et modernité. Tout d’abord, ceux qui optent pour l’observation visuelle peuvent avoir recours au calcul pour déterminer la période durant laquelle le croissant peut être aperçu, et donc, de limiter les risques d’erreur. Ensuite, le rejet du calcul peut se justifier au nom d’un principe d’accessibilité : l’observation visuelle est un moyen simple à la portée de tout musulman. Cette dernière interprétation, fondée à la fois sur le Coran et le hadith, est souvent niée dans la pratique, l’observation visuelle étant de fait la prérogative des instances religieuses. Ainsi, en France, où le principe adopté par le CFCM correspond à une sorte de compromis : s’aligner sur le premier pays musulman qui annonce le début du ramadan, à la condition que la chose ne contredise ni les calculs astronomiques, ni l’observation visuelle effectuée au moyen d’appareils optiques.
Toutefois, les exigences du monde moderne, et notamment le besoin de planifier, font que le calcul astronomique est destiné à terme à s’imposer comme mode unique de détermination. Peu à peu, les travaux d’Ahmad M. Shakir, éminent juriste du siècle dernier, tendent à s’imposer parmi la nouvelle génération des penseurs musulmans, dont le très influent Yusuf al Qaradawi, et de plus en plus, parmi les décideurs des Etats conservateurs. Shakir a notamment démontré que le recours au calcul pour déterminer le début des mois lunaires devait être systématique. Ses conclusions se fondent essentiellement sur le principe du droit musulman selon lequel "ce qui est relatif ne peut réfuter l’absolu, et ne saurait lui être préféré."
Article publié sur Zaman France (12 août 2010).
Mots clés : Libye, Liban, Oman, Allemagne, Maroc, France, Turquie, Conseil du Fiqh, Yusuf al Qaradawi, Shakir, ru'ya, observation, calcul, croissant, astronomie, Islam des mondes.
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