par Seyfeddine Ben Mansour
Le 6 décembre dernier a eu lieu l’Achoura. Le dixième jour de muharram
est essentiellement connu pour être un jour de commémoration pour la
communauté chiite. Il donne en effet lieu à des cérémonies de deuil en
souvenir du massacre de Kerbala, qui vit périr en 61 (10 octobre 680),
Hussein, petit-fils du Prophète, ainsi que 72 de ses parents et
partisans. Son importance est fondatrice ; ce jour est, du reste, chômé
dans nombre de pays à majorité, ou à forte minorité chiite, de l’Albanie
à l’Afghanistan, en passant par la Turquie (alévis). A contrario, c’est
un jour de fête pour les musulmans sunnites. Il donne lieu à des
réjouissances qui puisent leur origine dans la sunna (tradition du
Prophète), mais aussi dans l’histoire la plus ancienne de peuples
aujourd’hui musulmans. Il est ainsi associé à des spécialités culinaires
qui sont souvent sucrées, à l’instar de l’aşure turc. La
légende lie les 40 ingrédients que ce dessert est supposé comporter aux
40 jours de pluie du Déluge. Un hadîth affirme en effet que c’est un
jour de l’Achoura que Noé a accosté son Arche. D’autres le lient au
pardon accordé à Adam, au sauvetage d’Ibrahim du feu de Nemrod, ou aux
retrouvailles de Joseph avec son père Jacob. Mais le hadîth le plus
célèbre est sans doute celui qui rapporte que les Juifs de Médine,
répondant à une question du Prophète, avaient expliqué qu’ils jeûnaient
l’Achoura en commémoration du jour où Dieu sauva Moïse et son peuple des
griffes de Pharaon. L’Envoyé de Dieu avait alors commandé aux musulmans
d’observer pieusement ce jeûne. Ce n’est qu’après la révélation liée à
celui du Ramadan, l’un des cinq piliers de l’islam, qu’il deviendra
surérogatoire. L’Achoura demeurera néanmoins un jour dédié aux œuvres
pies : « A quiconque jeûne le jour de l’Achoura, Dieu remettra les
péchés d’une année » affirme un hadîth. « Quiconque aura caressé la
tête, en ce jour, d’un orphelin ou aura accompli une bonne action à son
endroit, c’est comme s’il avait accompli de bonnes actions à l’endroit
de tous les orphelins du monde » affirme un autre.
L’Achoura, la fête des enfants
Cette exigence de piété et de solidarité donnera lieu à des pratiques qui peuvent en paraître éloignées, et qui ressortissent en dernière analyse à l’identité profonde de peuples plurimillénaires. Ainsi l’Achoura a-t-elle souvent donné lieu à des rites socio-religieux de l’ordre de la célébration de la vie. Au Maghreb, elle est, pour une large part, la fête des enfants. Tandis que les adultes collectent l’argent de la zakât (l’aumône légale) pour subvenir aux besoins des nécessiteux, ils font des feux de joie au-dessus desquels ils sautent en riant. Au Maroc, ils vont de maison en maison un bendir à la main, en demandant aux adultes hât Bâba ‘Ashûr ! (« donnez-nous les étrennes de Père ‘Ashûr », personnification de la fête), pour aller ensuite acheter des bonbons. Ces pratiques, d’origine païenne, ne sont pas sans en rappeler d’autres, en contexte chrétien cette fois-ci, et elles aussi encore vivaces : les feux de la Saint-Jean, et le trick or treat de Halloween. Le feu est ici lié à des rites magiques de purification dont l’extrême ancienneté a été démontrée (certains puiseraient leur origine au Néolithique). De même pour les rites associés à l’eau, qui avaient à l’origine une fonction propitiatoire (faire que l’année soit bonne, c’est-à-dire fertile). Le lendemain de l’Achoura, c’est en effet la fête dite de Zemzem pour les petits Marocains, qui aspergent dans la bonne humeur passants, amis et voisins. Enfin, les mets sucrés qu’on offre en ce dixième jour de la nouvelle année participent à la fois de la convivialité et de la solidarité.
L’Achoura, la fête des enfants
Cette exigence de piété et de solidarité donnera lieu à des pratiques qui peuvent en paraître éloignées, et qui ressortissent en dernière analyse à l’identité profonde de peuples plurimillénaires. Ainsi l’Achoura a-t-elle souvent donné lieu à des rites socio-religieux de l’ordre de la célébration de la vie. Au Maghreb, elle est, pour une large part, la fête des enfants. Tandis que les adultes collectent l’argent de la zakât (l’aumône légale) pour subvenir aux besoins des nécessiteux, ils font des feux de joie au-dessus desquels ils sautent en riant. Au Maroc, ils vont de maison en maison un bendir à la main, en demandant aux adultes hât Bâba ‘Ashûr ! (« donnez-nous les étrennes de Père ‘Ashûr », personnification de la fête), pour aller ensuite acheter des bonbons. Ces pratiques, d’origine païenne, ne sont pas sans en rappeler d’autres, en contexte chrétien cette fois-ci, et elles aussi encore vivaces : les feux de la Saint-Jean, et le trick or treat de Halloween. Le feu est ici lié à des rites magiques de purification dont l’extrême ancienneté a été démontrée (certains puiseraient leur origine au Néolithique). De même pour les rites associés à l’eau, qui avaient à l’origine une fonction propitiatoire (faire que l’année soit bonne, c’est-à-dire fertile). Le lendemain de l’Achoura, c’est en effet la fête dite de Zemzem pour les petits Marocains, qui aspergent dans la bonne humeur passants, amis et voisins. Enfin, les mets sucrés qu’on offre en ce dixième jour de la nouvelle année participent à la fois de la convivialité et de la solidarité.
Mots clés : Islam des mondes.
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