par Seyfeddine Ben Mansour
Jusqu’au 2 juillet dernier s’est tenu à l’Institut du monde arabe un atelier découverte sur le thème de la calligraphie.
Les
participants, des enfants, étaient invités à calligraphier, puis
enluminer, à la façon d’un manuscrit ancien, un texte extrait de la
littérature arabe. Tout le monde s’accorde aujourd’hui à reconnaître la
beauté et la singularité de la calligraphie arabe. Ce résultat est
pourtant l’aboutissement d’un long processus qui s’est déroulé des rives
de l’Atlantique aux confins de la Chine. Ainsi, sept siècles de
civilisation séparent-ils la fruste écriture lapidaire découverte sur
une stèle datant de 652 (an 30 de l’Hégire) à l’extrême élégance du
style diwânî exécuté par le célèbre copiste ottoman Izzet Effendi.
L’écriture arabe a en effet été portée par le mouvement expansionniste
de la religion à laquelle elle avait été dès l’origine associée.
Instrument de matérialisation de la parole de Dieu, son prestige est
immense. Pour autant, l’évolution de l’écriture arabe ne saurait être
réduite à ce seul facteur. D’autres — techniques, esthétiques et
psychologiques — eux aussi propres à la civilisation islamique, ont
joué, parmi lesquels notamment l’assimilation de la réalisation
graphique à une œuvre d’art. Ce dernier facteur est lui-même lié à la
relative interdiction de la figuration, qui a profité à l’abstraction,
qui, dans ce contexte, a pris une forme calligraphique. Parmi les
facteurs techniques, il faut notamment citer la généralisation, à
l’échelle de l’empire, de la fabrication du papier, et ce, dès le IXe
siècle. Enfin, la multiplication des variétés stylistiques de l’écriture
arabe ressortit à la variété des fonctions qu’elle remplit dans la
société médiévale : l’écriture pratiquée par les scribes gouvernementaux
dans leurs registres d’archives ne pouvait être la même que celle des
calligraphes travaillant pour satisfaire les goûts de luxe de leur
mécène, ni celle de pieux personnages recopiant le texte du Coran, ni
celle de marchands s’adressant lettres privées et relevés de comptes,
etc. L’évolution de l’écriture, puis de la calligraphie arabe, connaît
schématiquement trois étapes. Tout d’abord, l’écriture archaïque
utilisée en Arabie au tout début de l’islam. Ne visant aucunement à être
esthétique, et encore techniquement imparfaite, cette écriture a
néanmoins une valeur normative qui permettra à ses tracés de se
maintenir sous les variations graphiques ultérieures les plus élaborées.
Deuxième étape, l’écriture dite « d’empire », qui se développe sous les
Omeyyades (661-750). Elle se caractérise par son souci d’équilibre et
de régularité. L’évolution, proprement stylistique, ressortit pour une
grande part aux nouveaux usages imposés par le calife ‘Abd al-Malik :
l’arabisation de l’administration centrale et l’interdiction de la
figuration sur les pièces de monnaie, au profit d’une calligraphie
désormais ornementale. C’est dans cette variété dite naskhî que sera
rédigé le bandeau épigraphique qui orne la coupole du Rocher à
Jérusalem, le premier monument prestigieux de l’islam. Dernière étape
enfin, celle de la naissance d’une écriture anguleuse, peu commode à
tracer, mais d’une grande noblesse et d’une grande beauté : le coufique
(kûfî). Né dans l’Irak abbasside au VIIIe siècle, il finira par
caractériser cette époque qui en fera les usages les plus variés, depuis
les inscriptions monumentales jusqu’aux copies du Coran. L’empire,
immense et bientôt morcelé, verra ainsi fleurir une grande variété de
coufiques, correspondant aux diverses dynasties régionales — tulunide,
fatimide, ghaznawide, par exemple — qui développeront chacune leur
propre répertoire d’embellissements calligraphiques.
Mots clés : Jérusalem, Chine, Calligraphie, Institut du Monde arabe, Islam des mondes.

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