mercredi 9 juillet 2014

Les Mamelouks : des soldats-esclaves devenus sultans

par Seyfeddine Ben Mansour

Dans le cadre du séminaire Peuples et pouvoirs dans l’islam médiéval, Julien Loiseau (Université Montpellier III) a présenté jeudi 19 mai dernier, au Centre d’études africaines, à Paris, une conférence intitulée « De quel peuple les Mamelouks sont-ils le nom ? »
Moins un peuple qu’une milice puis une caste, les Mamelouks constituent une des formes les plus originales de l’esclavage militaire. Pendant un millénaire, du IXe au XIXe siècle, ce système propre à l’islam réservera les plus hautes fonctions militaires à des hommes qui ont d’abord été esclaves. Les Mamelouks égyptiens se hisseront même au pouvoir, devenant sultans dès 1250, et s’y maintenant jusqu’en 1516, date à laquelle ils en seront chassés par les Ottomans. L’ordre mamelouk disparaîtra en 1811, à la suite du massacre de ses chefs ordonné par le khédive (du turc, hidiv) Méhémet Ali, dans le but d’asseoir définitivement son pouvoir sur l’Egypte. En arabe, mamlûk signifie littéralement « ce qui est possédé », et, de là, « esclave. » Le mot se spécialisera pour épouser la réalité sociologique, désignant ainsi les « esclaves militaires de race blanche », presque toujours Turcs, affranchis et de rang supérieur. Les Mamelouks constitueront une force militaire majeure dans les pays d’islam. Pour pouvoir en devenir membre, il fallait remplir des conditions bien définies : avoir la peau claire, avoir habité la région s’étendant au nord et au nord-est du territoire islamique — Atrâk (Turcs),Tatâr (Tatars), Qifjâq (Comans), Lâz (Lazes), Rûs (Russes), Arman (Arméniens), Rûm (Byzantins), Jarâkis (Circassiens), etc. — être né infidèle, avoir été amené enfant ou adolescent et acheté, élevé, et affranchi par un patron membre de l’aristocratie militaire (de préférence Mamelouk lui aussi, et encore mieux, par le sultan lui-même). Les chances qu’avaient un Mamelouk acheté et affranchi par un civil de faire partie de l’aristocratie étaient en effet très minces. Cette caste ainsi formée, distincte et exclusive, était aisément reconnaissable : outre leur aspect physique, et une tenue des plus respectables, les Mamelouks portaient tous des noms turcs, quelle que soit leur origine. Ce fut notamment le cas des Circassiens (al-Jalâkisa) quand ils arrivèrent à constituer l’élément majeur de l’aristocratie militaire égyptienne (1382-1516) : Az-Zâhir Sayf ad-Dîn Barqûq (en turc, Berkuk ; 1382-1389 et 1390-1399), al-Ashraf Sayf ad-Dîn Barsbay (1422-1438), Al-Ashraf Qânsûh (en turc, Kansu) Al-Ghûrî (1446-1516), par exemple. Durant le premier sultanat mamelouk (1250-1382), les esclaves soldats provenaient essentiellement de la steppe des Qifjâq (Kiptchak). Dans une célèbre description de la région, l’auteur arabe Fadl Allâh al-‘Umarî met en évidence les conditions sévères dans lesquelles vivent ses habitants, leur caractère primitif, leur paganisme (chamanisme turc), ainsi que leurs aptitudes militaires, leur fidélité et leur loyauté. Intégrés dans des académies militaires avant la lettre, les jeunes esclaves devenus novices (kuttâbiyya) bénéficiaient à la fois d’une éducation religieuse et d’un entraînement militaire aussi poussé que diversifié. Centrée autour de l’équitation, la furûsiyya, ou « art de la guerre », comprend en effet, outre le maniement des armes, des disciplines telles que la natation, la lutte, la fauconnerie ou encore les échecs. L’Histoire retiendra notamment que les Mamelouks d’Egypte et de Syrie ont sauvé d’une façon décisive l’islam des menaces franques et mongoles, depuis les batailles d’al-Mansûra (1249) et de ‘Ayn Jâlût (1260) aux combats plus tardifs contre la dynastie mongole des Houlagides (al-Ilkhânât) en Perse et en Irak.

Article publié sur Zaman France (17 août 2011).

Mots clés : Ayn Jâlût, al-Ashraf Sayf, Égypte, Iraq, Syrie, Paris, Montpellier, Université Montpellier, Islam, mamelouks, Islam des mondes.

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