par Seyfeddine Ben Mansour
Dans le cadre du séminaire Peuples et pouvoirs dans l’islam médiéval, Julien
Loiseau (Université Montpellier III) a présenté jeudi 19 mai dernier,
au Centre d’études africaines, à Paris, une conférence intitulée « De
quel peuple les Mamelouks sont-ils le nom ? »
Moins
un peuple qu’une milice puis une caste, les Mamelouks constituent une
des formes les plus originales de l’esclavage militaire. Pendant un
millénaire, du IXe au XIXe siècle, ce système propre à l’islam réservera
les plus hautes fonctions militaires à des hommes qui ont d’abord été
esclaves. Les Mamelouks égyptiens se hisseront même au pouvoir, devenant
sultans dès 1250, et s’y maintenant jusqu’en 1516, date à laquelle ils
en seront chassés par les Ottomans. L’ordre mamelouk disparaîtra en
1811, à la suite du massacre de ses chefs ordonné par le khédive (du
turc, hidiv) Méhémet Ali, dans le but d’asseoir définitivement son pouvoir sur l’Egypte. En arabe, mamlûk signifie
littéralement « ce qui est possédé », et, de là, « esclave. » Le mot se
spécialisera pour épouser la réalité sociologique, désignant ainsi les «
esclaves militaires de race blanche », presque toujours Turcs,
affranchis et de rang supérieur. Les Mamelouks constitueront une force
militaire majeure dans les pays d’islam. Pour pouvoir en devenir membre,
il fallait remplir des conditions bien définies : avoir la peau claire,
avoir habité la région s’étendant au nord et au nord-est du territoire
islamique — Atrâk (Turcs),Tatâr (Tatars), Qifjâq (Comans), Lâz (Lazes), Rûs (Russes), Arman (Arméniens), Rûm (Byzantins), Jarâkis (Circassiens),
etc. — être né infidèle, avoir été amené enfant ou adolescent et
acheté, élevé, et affranchi par un patron membre de l’aristocratie
militaire (de préférence Mamelouk lui aussi, et encore mieux, par le
sultan lui-même). Les chances qu’avaient un Mamelouk acheté et affranchi
par un civil de faire partie de l’aristocratie étaient en effet très
minces. Cette caste ainsi formée, distincte et exclusive, était aisément
reconnaissable : outre leur aspect physique, et une tenue des plus
respectables, les Mamelouks portaient tous des noms turcs, quelle que
soit leur origine. Ce fut notamment le cas des Circassiens (al-Jalâkisa) quand ils arrivèrent à constituer l’élément majeur de l’aristocratie militaire égyptienne (1382-1516) : Az-Zâhir Sayf ad-Dîn Barqûq (en turc, Berkuk ; 1382-1389 et 1390-1399), al-Ashraf Sayf ad-Dîn Barsbay (1422-1438), Al-Ashraf Qânsûh (en turc, Kansu)
Al-Ghûrî (1446-1516), par exemple. Durant le premier sultanat mamelouk
(1250-1382), les esclaves soldats provenaient essentiellement de la
steppe des Qifjâq (Kiptchak). Dans une célèbre description de la région,
l’auteur arabe Fadl Allâh al-‘Umarî met en évidence les conditions
sévères dans lesquelles vivent ses habitants, leur caractère primitif,
leur paganisme (chamanisme turc), ainsi que leurs aptitudes militaires,
leur fidélité et leur loyauté. Intégrés dans des académies militaires
avant la lettre, les jeunes esclaves devenus novices (kuttâbiyya)
bénéficiaient à la fois d’une éducation religieuse et d’un entraînement
militaire aussi poussé que diversifié. Centrée autour de l’équitation,
la furûsiyya, ou « art de la guerre », comprend en effet, outre
le maniement des armes, des disciplines telles que la natation, la
lutte, la fauconnerie ou encore les échecs. L’Histoire retiendra
notamment que les Mamelouks d’Egypte et de Syrie ont sauvé d’une façon
décisive l’islam des menaces franques et mongoles, depuis les batailles
d’al-Mansûra (1249) et de ‘Ayn Jâlût (1260) aux combats plus tardifs
contre la dynastie mongole des Houlagides (al-Ilkhânât) en Perse et en Irak.
Mots clés : Ayn Jâlût, al-Ashraf Sayf, Égypte, Iraq, Syrie, Paris, Montpellier, Université Montpellier, Islam, mamelouks, Islam des mondes.

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