par Seyfeddine Ben Mansour
Deux sondages récents effectués par Pew Forum et Time Magazine
révèlent l’intolérance grandissante des Américains : 24 % des sondés se
disent en effet opposés à la construction d’un temple mormon dans leur
voisinage ; la proportion est de 18 % dans le cas d’une synagogue et de
14 % dans le cas d’une église catholique. Ces sondages font suite aux
déclarations du président en faveur de la mosquée près de Ground Zero.
Près d’un Américain sur quatre estime aujourd’hui qu’Obama est musulman.
Or, pour un tiers des sondés, un musulman ne devrait pas être autorisé à
se présenter aux élections présidentielles.
Cette opposition à l’islam est, pour ainsi dire, consubstantielle à l’Amérique. Opposition à des entités socio-politiques d’islam tout d’abord : l’ère des Grandes découvertes, qui conduira à la découverte du nouveau continent, est le fruit d’une victoire économique et bientôt militaire du Portugal sur les sultanats marchands de l’Océan indien (et notamment sur la thalassocratie omanaise). En contournant l’Afrique, en découvrant la route des Indes, les Portugais mettaient fin au monopole des musulmans sur le commerce maritime et terrestre avec l’Inde et la Chine. Ce commerce, dont les débouchés méditerranéens étaient tous situés en territoire ottoman, constituait une source de profits considérables.
Opposition à l’islam en tant que doctrine religieuse ensuite : en 1492, la Reconquista est achevée. Les Juifs sont contraints à l’exil ou à la conversion, tandis que 300 000 musulmans sont baptisés de force et désormais appelés Morisques. Cette obsession unitaire, l’Espagne la transporte très vite en Amérique. Les nouveaux convertis, dont certains conservaient secrètement leur foi, demeuraient suspects. Dès 1522 une ordonnance de Charles Quint leur interdit l’accès aux "Indes". Il s’agit de "préserver la pureté de la foi" des Indiens nouvellement évangélisés. L’introduction de l’islam dans le Nouveau Monde était en effet conçue comme une menace réelle. Ces interdictions n’étant pas pleinement respectées, elles seront rappelées en 1530, 1539, 1556, 1559 et jusqu’en 1696. Comme sur le Vieux continent, l’Inquisition mettra en place ses tribunaux. Ainsi, le 30 novembre 1560 au Pérou, le Morisque Luis Solano sera condamné pour "mahométisme" et pour avoir été "le propagateur d’une fausse religion"…
Paradoxalement, c’est en grande partie grâce à l’islam que la découverte de l’Amérique a été rendue techniquement possible. Les Arabes ont en effet développé des méthodes de détermination des longitudes ainsi qu’une chronométrie d’une grande précision que l’Occident ne maîtrisera véritablement qu’au XVIIIe siècle. L’Océan indien, vaste lac arabo-musulman, a ainsi été cartographié avec une précision presque totale, ainsi qu’en témoignent les manuels de navigation arabes et turcs des XVe et XVIe siècles. Une carte due à l'amiral et cartographe ottoman Piri Reis représente même les côtes orientales de l'Amérique du Sud. Fait troublant, l’estuaire du río de La Plata, par exemple, officiellement découvert en 1515, y est représenté avec une précision proche de celle d’un atlas moderne. Or la carte daterait de 1513. Ailleurs, sur une mappemonde établie par Fra Mauro en 1459, on trouve mention d’une expédition navale arabe partie de l’Océan indien et qui aurait rejoint les Antilles après une escale au Cap Vert. En 1154, le géographe andalou al-Idrîsî relate l’entreprise infructueuse de huit Arabes de Lisbonne qui avaient tenté de découvrir de nouvelles terres à l’Ouest. L’historien al-Maqrîzî, mort en 1142, raconte que le roi du Maroc Abû ‘Annân avait affrété un navire richement pourvu dans le but de conquérir "les îles Eternelles" qui "bordent le monde habité". L’expédition, qui dura deux mois, faillit réussir. Enfin, le polyhistorien al-Mas‘ûdî, mort en 956, raconte que des marins arabes d’Espagne ont à plusieurs reprises tenté de traverser l’Atlantique. "Après une longue période", la flottille d’un certain Haykhas est rentrée au port, "chargée d’un riche butin"…
Cette opposition à l’islam est, pour ainsi dire, consubstantielle à l’Amérique. Opposition à des entités socio-politiques d’islam tout d’abord : l’ère des Grandes découvertes, qui conduira à la découverte du nouveau continent, est le fruit d’une victoire économique et bientôt militaire du Portugal sur les sultanats marchands de l’Océan indien (et notamment sur la thalassocratie omanaise). En contournant l’Afrique, en découvrant la route des Indes, les Portugais mettaient fin au monopole des musulmans sur le commerce maritime et terrestre avec l’Inde et la Chine. Ce commerce, dont les débouchés méditerranéens étaient tous situés en territoire ottoman, constituait une source de profits considérables.
Opposition à l’islam en tant que doctrine religieuse ensuite : en 1492, la Reconquista est achevée. Les Juifs sont contraints à l’exil ou à la conversion, tandis que 300 000 musulmans sont baptisés de force et désormais appelés Morisques. Cette obsession unitaire, l’Espagne la transporte très vite en Amérique. Les nouveaux convertis, dont certains conservaient secrètement leur foi, demeuraient suspects. Dès 1522 une ordonnance de Charles Quint leur interdit l’accès aux "Indes". Il s’agit de "préserver la pureté de la foi" des Indiens nouvellement évangélisés. L’introduction de l’islam dans le Nouveau Monde était en effet conçue comme une menace réelle. Ces interdictions n’étant pas pleinement respectées, elles seront rappelées en 1530, 1539, 1556, 1559 et jusqu’en 1696. Comme sur le Vieux continent, l’Inquisition mettra en place ses tribunaux. Ainsi, le 30 novembre 1560 au Pérou, le Morisque Luis Solano sera condamné pour "mahométisme" et pour avoir été "le propagateur d’une fausse religion"…
Paradoxalement, c’est en grande partie grâce à l’islam que la découverte de l’Amérique a été rendue techniquement possible. Les Arabes ont en effet développé des méthodes de détermination des longitudes ainsi qu’une chronométrie d’une grande précision que l’Occident ne maîtrisera véritablement qu’au XVIIIe siècle. L’Océan indien, vaste lac arabo-musulman, a ainsi été cartographié avec une précision presque totale, ainsi qu’en témoignent les manuels de navigation arabes et turcs des XVe et XVIe siècles. Une carte due à l'amiral et cartographe ottoman Piri Reis représente même les côtes orientales de l'Amérique du Sud. Fait troublant, l’estuaire du río de La Plata, par exemple, officiellement découvert en 1515, y est représenté avec une précision proche de celle d’un atlas moderne. Or la carte daterait de 1513. Ailleurs, sur une mappemonde établie par Fra Mauro en 1459, on trouve mention d’une expédition navale arabe partie de l’Océan indien et qui aurait rejoint les Antilles après une escale au Cap Vert. En 1154, le géographe andalou al-Idrîsî relate l’entreprise infructueuse de huit Arabes de Lisbonne qui avaient tenté de découvrir de nouvelles terres à l’Ouest. L’historien al-Maqrîzî, mort en 1142, raconte que le roi du Maroc Abû ‘Annân avait affrété un navire richement pourvu dans le but de conquérir "les îles Eternelles" qui "bordent le monde habité". L’expédition, qui dura deux mois, faillit réussir. Enfin, le polyhistorien al-Mas‘ûdî, mort en 956, raconte que des marins arabes d’Espagne ont à plusieurs reprises tenté de traverser l’Atlantique. "Après une longue période", la flottille d’un certain Haykhas est rentrée au port, "chargée d’un riche butin"…
Mots clés : Portugal, Cap-Vert, Chine, Lisbonne, Afrique, Amérique, Morisque, Islam, Charles Quint, Maroc, al-Idrîsî, Piri Reis, río de La Plata, al-Mas‘ûdî, al-Maqrîzî, Islam des mondes.

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