par Seyfeddine Ben Mansour
Le 7 septembre dernier, dans le cadre de la 6e édition de son festival,
l’Institut des cultures d’islam organisait un débat sur l’islam
américain, abordé notamment au travers de la lutte pour les droits
civiques.
Il a été suivi de la projection de Malcom X, un film de Spike Lee qui retrace la vie de l’une des icônes du mouvement des Black Muslims. Environ le tiers de la population musulmane des Etats-Unis est aujourd’hui constitué d’Afro-américains, soit 1,5 à 2 millions d’individus. Environ 90 % d’entre eux appartiennent à l’islam sunnite. Les 10 % restants se répartissent entre différentes sectes prônant un islam hétérodoxe, dont notamment le Moorish Science Temple et Nation of Islam, à l’origine du mouvement idéologico-religieux dit « Black Muslims. » L’orthodoxie islamique est un phénomène récent au sein de la communauté noire américaine : il remonte aux années 1975-1978, et est dû à Warith Deen Muhammad, fils du premier disciple de Wallace Fard Muhammad, fondateur de Nation of Islam. Le rêve de Mâlik al-Shabbâz, alias Malcom X, d’intégrer ses frères à la grande Umma islamique se sera donc réalisé une décennie après sa mort. Car le premier islam des Noirs américains, qui apparaît dans les années 1920, est très éloigné de la religion révélée au Prophète. Dirigé contre les Blancs et contre le christianisme – origine et instrument de l’oppression – cet islam n’est que la forme qu’a prise le nationalisme afro-américain naissant pour pouvoir asseoir ses convictions et ses revendications : un moyen de sortir de l’état d’anomie dans lequel était plongé le prolétariat noir des grandes villes du Nord, et de recouvrer sa dignité perdue. Si les cinq piliers de l’islam orthodoxe sont relativement reconnus, les divergences sont profondes. Tout d’abord, un caractère strictement national, contraire à l’universalité de l’islam, et basé sur une mythologie spécifique : « Allâh » aurait d’abord créé les « Afro-asiatiques » à une époque où la Terre n’était pas encore divisée en continents. Quittant leurs terres originelles, le Maroc, selon le Moorish Science Temple et La Mecque, selon la Nation of Islam – ils iront peupler, c’est-à-dire civiliser, l’Europe et l’Amérique nouvellement créées. Le Blanc, race inférieure et diabolique, a été inventée il y a 6.000 ans, par un scientifique noir nommé Ya‘qûb. Ensuite la négation partielle ou totale de la shahâda (profession de foi) : Noble Drew Ali, fondateur du Moorish Science Temple, se présente comme un prophète, et pour les sectateurs de la Nation of Islam, son fondateur, Wallace Fard Muhammad, n’était rien moins que l’incarnation de Dieu… Comme le souligne par ailleurs le recours à la renomination (noms arabo-musulmans et gentilés nouveaux : Afro-Asiatiques, Maures, etc.), il s’agit ici de nier la rupture tragique de l’esclavage, et, partant, l’ensemble des usages et des valeurs mis en place par les Blancs, peuple honni. La construction d’une identité islamique –conçue comme une quête des origines ayant abouti – entre dans cette logique de rupture. De même que la revendication d’un Etat indépendant noir aux Etats-Unis, formulée par Nation of Islam dès 1965. Pour autant, les valeurs éthiques de la secte et son puritanisme, présentés comme islamiques, n’en relèvent pas moins d’une longue tradition protestante. Et si l’islam est néanmoins le substrat de ce syncrétisme idéologico-religieux, c’est sans doute que face à un christianisme conçu comme occidental, blanc et méprisant, il s’est imposé comme la seule alternative pertinente : « afro-asiatique », l’islam se fonde sur un Texte, révélé par Dieu Lui-même, et qui énonce la morale claire et exigeante d’une religion hautement civilisée.
Il a été suivi de la projection de Malcom X, un film de Spike Lee qui retrace la vie de l’une des icônes du mouvement des Black Muslims. Environ le tiers de la population musulmane des Etats-Unis est aujourd’hui constitué d’Afro-américains, soit 1,5 à 2 millions d’individus. Environ 90 % d’entre eux appartiennent à l’islam sunnite. Les 10 % restants se répartissent entre différentes sectes prônant un islam hétérodoxe, dont notamment le Moorish Science Temple et Nation of Islam, à l’origine du mouvement idéologico-religieux dit « Black Muslims. » L’orthodoxie islamique est un phénomène récent au sein de la communauté noire américaine : il remonte aux années 1975-1978, et est dû à Warith Deen Muhammad, fils du premier disciple de Wallace Fard Muhammad, fondateur de Nation of Islam. Le rêve de Mâlik al-Shabbâz, alias Malcom X, d’intégrer ses frères à la grande Umma islamique se sera donc réalisé une décennie après sa mort. Car le premier islam des Noirs américains, qui apparaît dans les années 1920, est très éloigné de la religion révélée au Prophète. Dirigé contre les Blancs et contre le christianisme – origine et instrument de l’oppression – cet islam n’est que la forme qu’a prise le nationalisme afro-américain naissant pour pouvoir asseoir ses convictions et ses revendications : un moyen de sortir de l’état d’anomie dans lequel était plongé le prolétariat noir des grandes villes du Nord, et de recouvrer sa dignité perdue. Si les cinq piliers de l’islam orthodoxe sont relativement reconnus, les divergences sont profondes. Tout d’abord, un caractère strictement national, contraire à l’universalité de l’islam, et basé sur une mythologie spécifique : « Allâh » aurait d’abord créé les « Afro-asiatiques » à une époque où la Terre n’était pas encore divisée en continents. Quittant leurs terres originelles, le Maroc, selon le Moorish Science Temple et La Mecque, selon la Nation of Islam – ils iront peupler, c’est-à-dire civiliser, l’Europe et l’Amérique nouvellement créées. Le Blanc, race inférieure et diabolique, a été inventée il y a 6.000 ans, par un scientifique noir nommé Ya‘qûb. Ensuite la négation partielle ou totale de la shahâda (profession de foi) : Noble Drew Ali, fondateur du Moorish Science Temple, se présente comme un prophète, et pour les sectateurs de la Nation of Islam, son fondateur, Wallace Fard Muhammad, n’était rien moins que l’incarnation de Dieu… Comme le souligne par ailleurs le recours à la renomination (noms arabo-musulmans et gentilés nouveaux : Afro-Asiatiques, Maures, etc.), il s’agit ici de nier la rupture tragique de l’esclavage, et, partant, l’ensemble des usages et des valeurs mis en place par les Blancs, peuple honni. La construction d’une identité islamique –conçue comme une quête des origines ayant abouti – entre dans cette logique de rupture. De même que la revendication d’un Etat indépendant noir aux Etats-Unis, formulée par Nation of Islam dès 1965. Pour autant, les valeurs éthiques de la secte et son puritanisme, présentés comme islamiques, n’en relèvent pas moins d’une longue tradition protestante. Et si l’islam est néanmoins le substrat de ce syncrétisme idéologico-religieux, c’est sans doute que face à un christianisme conçu comme occidental, blanc et méprisant, il s’est imposé comme la seule alternative pertinente : « afro-asiatique », l’islam se fonde sur un Texte, révélé par Dieu Lui-même, et qui énonce la morale claire et exigeante d’une religion hautement civilisée.
Mots clés : Spike Lee, Noble Drew Ali, Wallace Fard Muhammad, Warith Deen Muhammad, al-Shabbâz (Malcom X), Mâlik al-Shabbâz, Islam, la Mecque, Le Blanc, Maroc, États-Unis, Islam des mondes.
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