par Seyfeddine Ben Mansour
Du trois au 5 octobre dernier s’est tenu à São Paulo la 44e édition de
l’Exposition et congrès internationaux sur la pâte et le papier,
réunissant plus de 160 exposants venus des quatre coins du monde.
Puissance montante, le Brésil consolide aujourd’hui sa position parmi
les leaders du marché, reprenant le flambeau d’une industrie millénaire,
née en Chine au IIIe siècle avant notre ère. A partir du VIIIe siècle,
et durant plus de six cents ans au moins, l’histoire du papier deviendra
musulmane, s’étendant de la Perse aux rives de l’Atlantique. Elle
commence à Talas en 751, dans le Khorassan (nord-est de l’Iran actuel), à
la faveur d’une victoire militaire. Ce sont en effet des prisonniers de
guerre chinois qui introduiront l’industrie de la papeterie à
Samarkand, qui en restera longtemps la capitale. Mais les Arabes
connaissaient l’usage du papier avant d’être en mesure de le produire.
Dans son Livre des animaux, al-Jâhidh rapporte en effet que Musaylima
ibn Thimâma, — surnommé par le Prophète « Musaylima l’Imposteur »
(Musaylima al-kadhdhâb) — voulant faire croire à une apparition, avait
fabriqué un cerf-volant « avec du papier chinois (waraq sînî) et du
kâghad », le kâghad étant également une variété de papier. Dès le IXe
siècle, les premières fabriques s’installent à Bagdad, capitale de
l’Empire. Le mouvement se poursuivra vers l’Ouest jusqu’à gagner
l’Espagne musulmane, notamment Játiva (1054) et Tolède (1085), et le
Maroc où, à Fès, entre 1221 et 1240, on ne dénombre pas moins de 400
fabriques de papier.
Le papier, pilier de la civilisation islamique
Le papier, pilier de la civilisation islamique
Il
faut dire que les besoins en papier sont très importants au sein du
monde musulman qui en fait une grande consommation : livres, registres,
papier à lettre, mais aussi, déjà, papier d’emballage utilisé par les
épiciers, les droguistes et les quincaillers. De fait, la production de
papier a joué un rôle économique très important. La concurrence
commerciale était sans merci. Elle est à l’origine de l’amélioration des
techniques de fabrication, notamment par incorporation de chiffons à la
préparation. D’où, lorsque la France se mettra à son tour à produire du
papier, au milieu du XIIIe siècle, l’expression « se battre comme des
chiffonniers » : matière désormais très demandée, les chiffons faisaient
l’objet d’âpres disputes. La concurrence est également à l’origine du
développement, comme de nos jours, d’une grande variété de formes et de
couleurs (blanc, bleu pâle, violet, rose, rouge, jaune, vert, …), mais
aussi d’une baisse du prix de revient qui a rendu le papier relativement
accessible. Car le rôle le plus important qu’a joué le papier est celui
de média : c’est, de fait, le premier grand média de masse de
l’histoire de l’humanité. Matériellement accessible, techniquement
disponible, il va puissamment contribuer à la diffusion de l’écrit, et
par là même, au développement de la civilisation islamique dans son
ensemble. Au moment de son sac par les armées mongoles d’Houlagou Khan
en 1258, Bagdad comptait ainsi pas moins de 36 bibliothèques publiques.
C’est durant ce même XIIIe siècle que le savoir-faire arabe commence à
se déplacer vers l’Occident chrétien : d’al-Andalus, il passe en Espagne
chrétienne, et de là en Italie. Emules des Arabes, les Italiens
n’auront de cesse d’améliorer la technique de fabrication du papier. Dès
le début du XIVe siècle, ils auront les moyens de produire davantage,
plus vite et moins cher : le papier arabe disparaîtra, en un peu plus
d’un siècle et demi en Occident, et en deux ou trois siècles au
Proche-Orient. A partir du XVIe siècle, la plupart des manuscrits arabes
sont désormais copiés sur des papiers italiens.
Mots clés : Islam des mondes.
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