mercredi 9 juillet 2014

Le minaret : un héritage de l’architecture omeyyade

par Seyfeddine Ben Mansour

Bien que partiellement inachevée, la mosquée de Strasbourg a ouvert ses portes le lundi 1er août, premier jour du mois de ramadan.
Elle sera pourvue d’un minaret, élément architectural qui avait été rayé des plans durant la mandature UMP du tandem Fabienne Keller-Robert Grossmann. L’adjoint au maire chargé des cultes, le socialiste Olivier Bitz, ne voit pour sa part aucune raison de s’y opposer, dans la mesure où ce minaret, purement symbolique, ne diffusera pas d’appel à la prière. C’est du reste le cas de l’ensemble des mosquées à minaret de France, à l’exception de la lointaine mosquée Noor-e-Islam de Saint-Denis de la Réunion, dont les haut-parleurs ne sont toutefois utilisés que le vendredi. En métropole, où la présence de l’islam dans l’espace public est loin d’être unanimement acceptée, la future mosquée de Marseille se contentera d’émettre un faisceau lumineux en guise d’appel à la prière. Son minaret aura 25 mètres de haut, soit environ le double de ce qui semble être devenu la norme dans l’hexagone. Du temps du Prophète, le minaret n’existait pas. On sait par ailleurs que le premier muezzin de l’histoire de l’islam, Bilâl Ibn Rabâh al-Habashî, faisait son appel depuis le toit de la mosquée de Qubâ’ à Médine. Celle fondée en l’an 21 de l’Hégire (643) par ‘Amr Ibn al-‘Âs, compagnon du Prophète, ne comportait ni minaret, ni mihrâb en forme de niche, ni même de chaire (minbar). Cet état de fait est caractéristique de l’islam primitif, encore circonscrit au territoire de la péninsule arabique. Cependant, l’Etat islamique naissant connaîtra une extension fulgurante, intégrant en moins d’un siècle un grand nombre de cités autrefois perses ou byzantines. Ce milieu urbain rend nécessaire la création de tours depuis lesquelles faire parvenir au plus grand nombre l’appel à la prière. A cette fonction première, essentielle, s’en ajouteront d’autres. Les minarets servent en effet à la proclamation des édits du souverain et, illuminés à leur sommet, de repère pour le voyageur nocturne. Cette dernière fonction explique l’étymologie du mot « minaret », qui dérive de l’arabe manâra, « phare », par le biais du turc menar. L’origine de cet élément architectural remonte à l’époque omeyyade (VIIe-VIIIe siècles), dans la Syrie autrefois byzantine : les premiers minarets dérivent de fait des tours des églises syriennes. Raison pour laquelle le minaret primitif s’élève sur une base carrée. Ce type ancien, encore largement usité dans la Syrie actuelle, a été adopté dès le VIIIe siècle à l’autre bout du monde musulman, en Espagne et au Maghreb, où il est devenu la norme. La Giralda de la cathédrale de Séville (ancien minaret de la mosquée de Ishbîlya) est construite sur ce modèle. Sous les Abbassides (VIIIe-XIIIe siècles), naîtront des types nouveaux : circulaire, en spirale ou octogonal. Différents types peuvent être associés, à l’instar de la mosquée Ibn Tûlûn au Caire dont la base est carrée, le second niveau, circulaire et le dernier, octogonal. L’époque fatimide (Xe-XIIe siècles) verra les minarets ornés à leur extrémité d’un bulbe élégant et discret, comme en témoigne la mosquée Al Azhar du Caire. Sous les dynasties turco-afghanes de Delhi (XIIe-XVe siècles), les minarets deviendront particulièrement imposants : cylindriques, crénelés, ceux de la mosquée Quwwat al-Islâm à Delhi (1192) se dressent sur une base très large et vont rétrécissant. Mais c’est à l’architecte ottoman Sinan (1489-1588) que l’on doit sans doute les minarets les plus élégants de l’architecture islamique : cylindriques, long et fins, surmontés de cônes effilés, ils flanquent au nombre de deux, quatre ou six l’immense dôme d’une mosquée sans piliers.
Article publié sur Zaman France (26 août 2011).

Mots clés : Islam des mondes.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire