vendredi 4 juillet 2014

Inde musulmane : une minorité de 160 millions d’individus

par Seyfeddine Ben Mansour


La Haute Cour d’Allahabad a rendu sa décision le 30 septembre sur l’avenir d’Ayodhya, site sacré que se disputent hindous et musulmans depuis cinq siècles. Il sera divisé en trois : un tiers est octroyé à la communauté musulmane, un autre à la communauté hindoue, et le dernier à Nirmohi Akhara, organisation hindoue. La crainte était grande que le verdict ne conduise à des affrontements interconfessionnels : en 1992, la démolition de la mosquée d’Ayodhya par des extrémistes hindous s’était soldée par plus de 2.000 morts. — Il y a cinq cents ans, à Ayodhya, les maîtres du pays, des Turco-mongols, avaient édifié une mosquée sur l’emplacement même du lieu de naissance de Rama, divinité hindoue majeure.
Les musulmans sont minoritaires en Inde, où ils ne représentent que 13,4 % de la population (contre 79,8% d’hindous). L’Inde n’en est pas moins le troisième plus grand pays musulman du monde avec 161 millions de fidèles. Si l’on prend en compte le Pakistan (130 millions) et le Bangladesh (100 millions), Etats nés de la partition de l’Inde historique, le sous continent indien est la plus grande région musulmane du monde, concentrant à lui seul près du tiers de la Umma. La deuxième caractéristique de l’islam du sous-continent est le fait que bien que l’Inde ait été gagnée à l’islam dès le Ier siècle de l’Hégire et dirigée par des Musulmans du XIIIe au XIXe siècle, elle ait gardée sa religion originelle : l’hindouisme. Aujourd’hui encore, les Musulmans ne représentent que le tiers des habitants de la région.
La pénétration de l’islam est le fruit de deux vagues successives. La première est due à des conquérants arabes qui dès 712 envahissent le Sind par voie de terre tandis que des marins et commerçants, également arabes, arrivent par l’océan Indien. La seconde commence au XIe siècle. Elle est le fait de conquérants venus d’Asie centrale, d’Iran et d’Afghanistan, qui sont Turcs (Mahmoud de Ghazna qui fondera la dynastie ghaznavide), Afghans, puis, à partir du XIIIe siècle, Moghols. Descendants de Gengis Khan et de Tamerlan, les Moghols sont une dynastie turco-mongole de religion musulmane et de culture persane qui établiront une domination durable sur le sous-continent. Le dernier Moghol Muhammad Bahâdur Shâh, sera déposé par les Britanniques en 1857.
L’Inde moghole a connu une remarquable prospérité. Elle a été, notamment sous Akbar (1556-1605), l’un des Etats les plus puissants au monde, et le foyer d’une brillante civilisation qui a vu fleurir les arts comme les sciences : la musique, la peinture et l’architecture notamment (dont le célèbre Taj Mahal), mais aussi la littérature. L’Inde a ainsi produit plus d’œuvres en persan que l’Iran ; langue de cour et langue littéraire, le persan aura dominé jusqu’au XIXe siècle. C’est à partir du 18e siècle que des querelles de succession provoquent le morcellement politique de l’Empire moghol, qui aura pour effet de faciliter l’entreprise coloniale britannique (1750-1947). A l’aube de l’indépendance, les musulmans représentent environ 24 % de la population de l’Union indienne. Toutefois, le parti de la Ligue musulmane militera pour le séparatisme. Expression des élites musulmanes urbaines, qui craignaient de se trouver soumises à l’hégémonie hindoue dans une Inde indépendante et désormais démocratique, elle réussira à rallier les masses musulmanes et aboutira à la création du Pakistan et du Bangladesh en 1947. Un tiers des musulmans demeurera néanmoins dans l’Inde actuelle.

Leurs élites ayant massivement émigré au Pakistan, les musulmans d’Inde sont globalement relégués au bas de l’échelle sociale. Ils constituent en outre une minorité d’autant plus exposée qu’ils sont considérés comme responsables de la division du territoire indien. La faiblesse de leur représentation dans les institutions politiques, tout comme les violences dont ils sont périodiquement les victimes, sont des conséquences de cet état de fait.

Article publié sur Zaman France (14 octobre 2010).

Mots clés : Inde, Pakistan, Bangladesh, Islam, Musulmans, Mahmoud de Ghazna, ghaznavides, Mogols, parti de la Ligue musulmane, Islam des mondes.

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