par Seyfeddine Ben Mansour
En
2008, la Banque européenne de développement (BEI) a initié un projet
transversal baptisé Médinas 2030. Il vise à réhabiliter les vieux
centres des cités sud-méditerranéennes. Il s’agit de contribuer à la
fois à leur développement économique et à leur rayonnement culturel.
Plusieurs organisations internationales, dont l’Unesco, ont rejoint le
projet. Jeudi 9 décembre, c’était au tour de l’Organisation des villes
arabes (OVA) d’intégrer le consortium.
Médina, définition
Le Petit Robert donne du mot médina une
définition pour le moins surannée : «partie musulmane d’une ville
(opposé à ville européenne) en Afrique du Nord». Pour autant, elle n’est
pas entièrement fausse, pour peu que par européenne on entende
«moderne», et qu’on étende le concept à d’autres cités musulmanes, en Afrique de l'Ouest (Sénégal), en Afrique de l'Est (Kenya, Tanzanie, Comores), mais aussi en Europe (Espagne et Sicile).
La médina correspond alors à la vieille ville, c’est-à-dire à ce qui
fut autrefois la ville même, derrière ses remparts. Souvent une cité
prospère, puissante, et dont le rayonnement s’étendait parfois au-delà
du monde arabo-musulman.
Grandeur...
Ainsi, Cordoue, longtemps plus brillante cité
d’Europe, et ville natale d’Averroès, philosophe qui aura eu une
influence majeure dans l’histoire de la pensée occidentale. Ainsi
Kairouan en Tunisie, dont la population dépassait les 100.000 habitants
au milieu du Xe siècle
(contre 10.000 pour Paris), célèbre pour son école de droit malékite et
son école de médecine. Ainsi Fès, ville impériale, où le jeune Gerbert
d'Aurillac fit ses études, avant de retourner en Europe, où il
introduira les chiffres arabes et où il deviendra Sylvestre II, pape de la Chrétienté.
... et décadence
Si Cordoue est aujourd’hui la métropole d’un pays
riche, il n’en va pas de même de Fès et de Kairouan, villes largement
tributaires du tourisme. Inscrites sur la liste du patrimoine mondial de
l'Unesco, leurs médinas — patrimoine matériel mais aussi immatériel —
n’en sont pas moins menacées. Les stratégies mises en œuvre pour
satisfaire la quête d’authenticité des touristes conduisent trop souvent
en effet à la conformer à l’image que l’Autre se fait de la ville
orientale. L’artisanat contemporain, personnage central de cette
altérité stéréotypée, produit ainsi, le plus souvent, des objets de
piètre facture. Il est pourtant l’héritier direct de ce qui, au Moyen
âge, constituait la technologie la plus aboutie et l’industrie la plus
florissante (la dinanderie de Cordoue, la maroquinerie de Fès, les
céramiques de Tunis). La dépendance des médinas vis-à-vis du tourisme
est liée à la relative pauvreté de ses habitants, phénomène récent à
l’échelle de l’Histoire.
Colonisation, paupérisation, ghettoïsation
Au début du XXe
siècle en effet, les familles bourgeoises ou aristocratiques ont
commencé à quitter la médina pour aller s’installer dans la ville
moderne aux larges avenues disposées en damier. La déstructuration des
sociétés rurales induite par la colonisation a vu affluer dans la médina délaissée une population en quête de moyens
de subsistance. Peu à peu, la vieille ville se transformait en ghetto
de pauvres. Par contraste avec la ville moderne, sa structure même était
dévalorisée : à la suite des colons, les élites autochtones n’y
voyaient qu’un entrelacs anarchique de ruelles et de venelles.
La mosquée, centre des axes urbains
Pourtant, loin d’être aléatoire, l'articulation des espaces de la médina correspond à un système de hiérarchisation des espaces : collectifs et privés, résidentiels et commerciaux, sacrés et profanes. A Tunis, c’est au niveau de la cour de la mosquée Zitouna, centre spirituel et culturel, que s'entrecoupent les axes nord-sud et est-ouest. Viennent ensuite les rues principales, les rues secondaires (équipements de quartier) et les impasses (venelles), ensemble de parcours privés parfois réservés aux femmes. Et tandis que les activités nobles se trouvaient aux abords de la mosquée (librairie, bijouterie, parfumerie), les autres étaient reléguées en périphérie (tannerie, teinturerie, serrurerie).
Pourtant, loin d’être aléatoire, l'articulation des espaces de la médina correspond à un système de hiérarchisation des espaces : collectifs et privés, résidentiels et commerciaux, sacrés et profanes. A Tunis, c’est au niveau de la cour de la mosquée Zitouna, centre spirituel et culturel, que s'entrecoupent les axes nord-sud et est-ouest. Viennent ensuite les rues principales, les rues secondaires (équipements de quartier) et les impasses (venelles), ensemble de parcours privés parfois réservés aux femmes. Et tandis que les activités nobles se trouvaient aux abords de la mosquée (librairie, bijouterie, parfumerie), les autres étaient reléguées en périphérie (tannerie, teinturerie, serrurerie).
Article publié sur Zaman France (23 décembre 2010).
Mots clés : moyen âge, Mosquée, zitouna, dinanderie, ghetto, maroquinerie, céramiques, patrimoine mondial, UNESCO, Sénégal, Kenya, Tanzanie, Comores, Espagne, Sicile, médina, vieille ville, remparts, cité, arabo-musulman, Cordoue, Averroès, Kairouan, Tunisie, Fes, Gerbert d'Aurillac, Islam des mondes.

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